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Pourquoi le beurre canadien ne ramollit pas ? La polémique du « Buttergate » met en cause l’utilisation de l’huile de palme

Pour faire face à la hausse de la demande de beurre au Canada, les éleveurs sont accusés d’avoir augmenté la quantité d’huile de palme donnée aux vaches. Résultat, le produit serait désormais plus dur et plus difficile à tartiner.

Publié le 05 mars 2021 à 15h49, modifié le 05 mars 2021 à 16h24 Temps de Lecture 3 min.

Administrée aux vaches comme complément alimentaire, l’huile de palme est utilisée depuis des décennies pour augmenter leur production de lait et sa teneur en matières grasses.

Amis bretons et normands, passez votre chemin : cet article risque de heurter votre sensibilité. Depuis plusieurs semaines, les Canadiens ont un problème de beurre. Trop dur, il s’étale mal sur les tartines et met du temps à fondre dans la poêle.

Ce que les médias locaux nomment désormais le « Buttergate » est parti d’un tweet posté le 5 février par la cuisinière et autrice de livres de recettes Julie Van Rosendaal. « Il y a quelque chose qui cloche avec notre approvisionnement en beurre (…). Vous avez remarqué qu’il n’est plus mou à température ambiante ? » interroge-t-elle.

De nombreux internautes ont répondu par l’affirmative : au petit déjeuner, il faut désormais des biscotos en tungstène ou, à défaut, se rabattre sur la confiture.

Dans une tribune publiée le 20 février sur le site du quotidien canadien The Globe and Mail, Julie Van Rosendaal suggère qu’une augmentation de la consommation de beurre depuis le début de la pandémie de Covid-19 a entraîné des changements dans l’alimentation du bétail – les éleveurs cherchant à optimiser leur rendement et leur production. D’après elle, le principal suspect de cette épidémie de beurre trop dur n’est autre que l’huile de palme.

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Les Canadiens n’ont pas échappé au confinement ainsi qu’à la généralisation du télétravail, et ils ont eux aussi cuisiné plus de plats maison. Résultat : la demande de beurre est en hausse de 12 % sur l’année 2020, selon Dairy Farmers of Canada (les représentants des producteurs laitiers), rapporte le site de la BBC. C’est là que l’huile de palme entre en jeu. Administrée aux vaches comme complément alimentaire, elle est utilisée depuis des décennies pour augmenter leur production de lait et sa teneur en matières grasses. Depuis l’été dernier, des centaines de fermiers canadiens ont eu recours à cette technique.

L’Association des transformateurs laitiers du Canada, la voix nationale du secteur, créée en 2003, a assuré au site Real Agriculture qu’il n’y a eu aucun changement dans la production de beurre, ni dans la réglementation nationale sur les ingrédients.

« Une pratique éthiquement répréhensible »

Peu de recherches ont été faites sur l’impact de l’huile de palme sur les produits laitiers. Néanmoins, les experts affirment que le beurre fabriqué à partir de lait issu de vaches nourries avec de l’huile de palme a un point de fusion plus élevé et que, par conséquent, il peut être plus difficile à étaler à température ambiante.

« On estime qu’environ 30 % des producteurs laitiers canadiens adoptent cette pratique pour respecter leurs quotas de production lucratifs », dit Sylvain Charlebois, directeur scientifique du Laboratoire de recherche en sciences analytiques agroalimentaires à l’université Dalhousie, dans une tribune publiée dans Le Journal de Québec. Et d’ajouter :

« Il n’y a rien d’illégal à donner de l’huile de palme aux vaches laitières, et rien n’empêche les producteurs laitiers de le faire. Mais c’est de l’huile de palme fabriquée à l’autre bout du monde, et nous connaissons tous l’impact de cette huile sur l’environnement. »

La culture du palmier à huile serait responsable de 17 à 27 % des déforestations en Indonésie, et de 80 % en Malaisie

En effet, selon un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la culture du palmier à huile serait responsable de 17 à 27 % des déforestations en Indonésie, et de 80 % en Malaisie. La culture de cette plante, qui ne pousse que dans la zone équatoriale, entre en conflit avec la forêt dense. Par ailleurs, la forte concentration en acides gras saturés de l’huile de palme peut provoquer des maladies cardiovasculaires, mais ces mêmes acides (qui se trouvent dans d’autres aliments comme le fromage ou la viande) augmentent le bon cholestérol.

Pour Sylvain Charlebois, « une telle pratique [de la part des producteurs laitiers] serait éthiquement et moralement répréhensible, et elle pourrait compromettre la réputation de l’industrie ». « Etant donné que les Canadiens subventionnent maintenant la production laitière, ils méritent le meilleur beurre que l’industrie puisse fournir. Surtout, avec un tel constat, le contrat moral entre les consommateurs et l’industrie est brisé », conclut-il.

Les Producteurs laitiers du Canada ont répondu en soulignant que les produits à base d’huile de palme « contribuent à donner de l’énergie aux vaches » et qu’« aucun effet indésirable n’a été identifié à la suite de leur utilisation dans les rations alimentaires » des bovins. Le groupe de lobbyistes ajoute toutefois qu’il compte réunir un comité d’experts (composé de divers acteurs du secteur, y compris des consommateurs) pour répondre à ces préoccupations.

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