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Quand Lego s’en prend à deux vendeurs de jouets allemands

La célèbre marque s’inquiète de l’influence de deux vendeurs et youtubeurs allemands, qui commentent et critiquent ses produits et ceux de ses concurrents.

Publié le 12 mars 2021 à 15h37, modifié le 13 mars 2021 à 12h11 Temps de Lecture 4 min.

Malgré la fermeture temporaire d’usines entraînant une hausse des coûts de livraison, le groupe dit avoir augmenté sa part de marché mondiale.

Lego ne connaît pas la crise. Le groupe de jouets danois a annoncé, mercredi 10 mars, un bénéfice net en hausse de 19 % en 2020, à 9,9 milliards de couronnes (1,3 milliard d’euros), et un chiffre d’affaires de 43,7 milliards de couronnes, en hausse de 13 % (5,8 milliards d’euros). Si la crise sanitaire a entraîné la fermeture temporaire d’usines en Chine et au Mexique, provoquant une hausse des coûts de livraison, le groupe établi à Billund, dans l’ouest du Danemark, dit avoir augmenté sa part de marché mondiale.

Pourtant, le géant danois du jouet n’est pas serein. Lego, qui se veut ludique et sympathique avec ses petits bonshommes à tête jaune et ses briques colorées, n’hésite pas à recourir à la menace et à l’intimidation. La cible de son courroux : deux vendeurs de jouets allemands évoqués par le quotidien berlinois Der Tagesspiegel, celui du milieu des affaires Handelsblatt ou le quotidien régional Neue Westfälische.

Conteneur bloqué

Le premier, Thorsten Klahold, 47 ans, est le patron de Steingemachtes (« fait en pierres »), un magasin de jouets à Paderborn, dans l’est du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Il y vend toutes sortes de briques emboîtables.

M. Klahold est surtout un influenceur, connu depuis 2017 grâce à sa chaîne YouTube Johnny’s World, sur laquelle il présente, commente et assemble pour ses plus de 65 000 abonnés toutes les nouveautés du jouet en briques, comme la forge médiévale de Lego, la base spatiale de Qman ou un personnage du jeu vidéo Halo par Mega Construx.

C’est là que le bât blesse : dans son magasin, il vend aussi les marques alternatives à la célèbre firme danoise, comme ses cousines chinoises fabriquées par Qman. Récemment, un conteneur de cette dernière, qui lui était destiné, a été bloqué par les douanes après « qu’un requérant non spécifié eut déclaré aux douanes que les marchandises pouvaient constituer une violation du droit d’auteur », rapporte Handelsblatt. Sur sa chaîne YouTube, M. Klahold explique qu’il a eu le fin mot de l’histoire lorsqu’il a reçu un courrier des douanes confirmant que Lego était derrière la saisie.

A qui appartient le terme « Lego » ?

Il n’est pas le seul à avoir maille à partir avec les avocats de Lego. Thomas Panke, 40 ans, possède également un magasin de jouets et une chaîne YouTube. Située à Francfort, sa boutique s’appelle Held der Steine (« héros des pierres »). Elle aussi est spécialisée dans l’univers Lego. En janvier 2019, un courrier envoyé par un cabinet d’avocats mandaté par la firme lui demandait de supprimer plusieurs vidéos de sa chaîne YouTube dans lesquelles il désignait des produits concurrents sous le terme de « Lego ».

Pour le géant danois, propriétaire de la marque, il s’agirait d’une violation de ses droits, ce qui divise les juristes, affirme Der Tagesspiegel. Certains estiment que le terme « Lego » est devenu un terme générique pour désigner des jouets de construction du même type, tout comme le nom de marque « Jeep » a fini par désigner un véhicule tout-terrain, et « Walkman » le baladeur pour écouter de la musique.

Thomas Panke estime pour sa part que l’origine de l’action des Danois est à chercher ailleurs, dans certaines de ses vidéos diffusées sur sa chaîne, à laquelle 665 000 personnes sont abonnées. Dans l’une d’elles, vue par plus de 3 millions personnes, il décrivait la Bugatti Chiron de Lego comme « une déception à 370 euros ». Pendant longtemps, il n’a vendu que des produits Lego avant d’en devenir l’un des critiques les plus virulents, affirmant que l’entreprise essaie de « prendre un maximum d’argent à ses clients pour des produits dont la qualité ne cesse de se détériorer ». Pas plus répréhensible que les propos des milliers d’influenceurs qui postent chaque jour sur YouTube des commentaires plus ou moins élogieux sur les téléphones, appareils photos, jeux vidéo ou voitures qu’ils testent.

« Effet Streisand »

Lego ne l’entend pas de cette oreille. Tant pis si ces procédures montrent la face obscure de l’univers du jouet, un marché mondial estimé à 90 milliards de dollars (75 milliards d’euros) en 2019, selon la Toy Association, et écornent l’image de Lego qui en est l’un des poids lourds, avec Mattel, Hasbro, Bandai Namco et Spin Master. Tant pis aussi si, comme le remarque Der Tagesspiegel, plus Lego s’évertue à poursuivre ceux qui portent atteinte à ses droits, plus la société attire l’attention sur ses détracteurs et apparaît sous un jour moins sympathique, provoquant un « effet Streisand », un retour de boomerang non désiré.

Depuis qu’il a eu affaire aux avocats de Lego, la chaîne de Thomas Panke a gagné des dizaines de milliers d’abonnés, note le quotidien berlinois. Et il n’hésite plus à faire l’éloge des concurrents réputés moins chers pour une qualité identique, comme BlueBrixx, un fabricant allemand sis à Flörsheim, près de Francfort. Thorsten Klahold présente même dans les pages du quotidien régional Neue Westfälische ses alternatives préférées : Cobi, Qman, Mega Construx, Semba, Wange, Kazi et Bikku.

« Le brevet, qui, jusqu’ici, protégeait la petite brique à huit plots de Lego, bascule dans le domaine public (…). Cette fin du monopole signe l’arrivée massive de concurrents et de copies des sets originaux », note la chaîne de magasins de jouets JouéClub, qui rappelle que Lego fait face à la concurrence depuis le début des années 1990. La firme danoise a essayé de garder son droit de propriété intellectuelle sur la forme de la brique. Mais, en 2010, un arrêt de la Cour européenne de justice a rendu un jugement défavorable au groupe considérant que le produit inventé par la société ne « remplit qu’une fonction technique (…) et ne peut être enregistré comme marque protégée ».

Malgré la concurrence, la marque fait plus que résister, grâce à ses licences – Star Wars, Harry Potter, etc. – sa diversification – films, jeux vidéo –, et à la fidélité des clients. Mais elle continue de se méfier des petits vendeurs de jouets.

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