Covid-19 : infections post-vaccinales dues à des variants

U.S. Secretary of Defense. © Wikimedia

C’est l’histoire de deux femmes qui ont contracté la Covid-19, respectivement 19 et 36 jours, après avoir reçu leur deuxième dose d’un vaccin à ARN messager. Le cas de ces patientes a été rapporté le 21 avril 2021 par des médecins et chercheurs américains dans un article en ligne du New England Journal of Medicine.

Agée de 51 ans, la première patiente, en bonne santé et sans comorbidité, a reçu la première dose du vaccin Moderna le 21 janvier 2021 et la seconde dose le 19 février. Dix-neuf jours après la seconde injection vaccinale, le 10 mars 2021, elle présente quelques symptômes (mal de gorge, maux de tête). Le test de détection du SARS-CoV-2 par PCR, réalisé le lendemain à l’université Rockefeller de New-York, s’avère positif. Un jour plus tard, la patiente perd le sens du goût (agueusie). Ces symptômes s’estompent progressivement en une semaine.

La seconde patiente, âgée de 65 ans, ne présente pas, elle non plus, de facteur de risque pour une forme sévère de Covid-19. Elle reçoit la première dose du vaccin Pfizer-BioNtech le 19 janvier 2021, la deuxième dose le 9 février. Trois semaines plus tard, son compagnon, non vacciné, est testé positif pour le SARS-CoV-2. Treize jours plus tard, il se plaint d’être fatigué, d’avoir une congestion des sinus et d’avoir mal à la tête. Le 17 mars, c’est au tour de sa compagne de se sentir mal. Un test PCR révèle alors qu’elle est positive pour le SARS-CoV-2. Le diagnostic de Covid-19 est donc posé 36 jours après avoir reçu la deuxième dose de vaccin. Les symptômes commencent à s’atténuer trois jours plus tard.

Ces deux femmes ont partie d’une cohorte composée d’employés et d’étudiants du campus de l’université Rockefeller qui se soumettent au moins une fois par semaine à un test PCR salivaire. Elles font partie des 417 personnes qui ont reçu une seconde dose du vaccin Pfizer ou Moderna et qui ont été testées au minimum deux semaines après avoir été vaccinées.

La charge virale salivaire de la première patiente est élevée (environ 195 000 copies d’ARN viral par millilitre de salive) alors que celle de la deuxième patiente est relativement plus faible (environ 400 copies d’ARN viral par millilitre). Compte tenu du profil clinique particulier de ces deux personnes, il est décidé de procéder à un séquençage génomique de l’ARN viral. Résultat : le virus qui infecte la première patiente renferme la mutation E484K, associée à un échappement immunitaire (diminution de la neutralisation par anticorps in vitro).

Les analyses sérologiques ont montré que la première patiente a développé un taux extrêmement élevé d’anticorps neutralisants*.

Patientes complètement vaccinées et pourtant infectées par un variant

La présence d’une grande quantité de SARS-CoV-2 dans le prélèvement salivaire de la première patiente a permis de réaliser une étude génétique détaillée du virus. L’analyse génomique a révélé que l’infection était due à un variant SARS-CoV-2 présentant des similitudes mais également de grandes différences avec deux variants préoccupants connus : le variant anglais B.1.1.7 et le variant B.1.526. Ce dernier, identifié pour la première fois à New-York, était identifié fin mars dans cette ville dans près de 43 % de cas de Covid-19.

En effet, certaines mutations/délétions identifiées dans le variant ayant infecté la première patiente (T95I, del144, E484K, A570D, D614G, P681H, D796H) sont présentes dans le variant new-yorkais B.1.526 (T95I, E484K, D614G). Par ailleurs, trois modifications génétiques (T95I, del144, D614G) sont également présentes dans le variant de l’autre patiente. Il serait intéressant  de déterminer si une recombinaison a pu se produire entre le variant anglais et le variant new-yorkais, de la même façon que l’on a récemment décrit une recombinaison entre des variants anglais B.1.1.7 et la souche historique initialement identifiée à Wuhan (Chine).

Les données rapportées par les chercheurs indiquent que les anticorps induits par la vaccination chez cette patiente reconnaissaient le virus sans pour autant être capables d’empêcher une infection post-vaccinale. Il est évidemment toujours possible que cette femme ait été contaminée avant que la deuxième dose ne soit pleinement efficace.

« Bien que ces patientes aient présenté de légers symptômes, il importe de savoir si des symptômes sévères peuvent, ou pas, se produire chez d’autres personnes et ce, malgré la vaccination dans la mesure où des variants continuent d’évoluer », déclarent Ezgi Hacisuleyman, Robert Darnell et ses collègues. Selon eux, ces observations représentent des « exemples authentiques d’infection post-vaccinale avec symptômes cliniques ». Et d’ajouter que les données obtenues chez la première patiente indiquent qu’ « une infection par un variant peut être associée à une charge virale importante malgré des niveaux élevés d’anticorps neutralisants ».

Les auteurs de l’article tiennent à souligner que ces observations ne remettent évidemment nullement en question la nécessité des efforts entrepris pour vacciner la population américaine. « Nos observations soulignent, dans le même temps, l’importance de la course engagée entre la vaccination et la sélection de mutants potentiellement capables d’échappement immunitaire », concluent-ils.

Il n’est pas surprenant que des infections puissent se produire après vaccination dans la mesure où aucun vaccin anti-Covid-19 n’assure une protection à 100 %.

Par définition, une infection post-vaccinale survient lorsqu’un individu est trouvé positif à un test PCR ou antigénique réalisé sur un prélèvement respiratoire effectué après un délai égal ou supérieur à 14 jours après injection de la seconde dose de vaccin.

Aux États-Unis, le 26 avril 2021, le Centre de prévention et de contrôle des maladies (CDC) dénombrait 9245 cas d’infections post-vaccinales survenues parmi plus de 95 millions de personnes qui avaient été complètement vaccinées. Dans 45 % de cas, il s’agit de personnes de plus de 60 ans. Par ailleurs, 63 % des cas d’infections post-vaccinales ont été rapportés chez des femmes.

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Infections post-vaccinales en maisons de retraite

Récemment, des infections  SARS-CoV-2 ont été rapportées aux États-Unis parmi les résidents et le personnel de maisons médicalisées pour personnes âgées. En février 2021, le département de santé publique de Chicago a identifié, dans le cadre de tests réalisés en routine, une infection à SARS-CoV-2 chez un résident d’une maison de retraite plus de seize jours après avoir reçu la deuxième dose de vaccin. Dans ces établissements d’hébergements pour personnes âgées, le vaccin Moderna était le seul à être administré.

Une enquête épidémiologique a alors été conduite pour déterminer le nombre et les caractéristiques cliniques des infections post-vaccinales dans quinze établissements d’hébergement pour personnes âgées.

Dans un article publié en ligne le 30 avril 2021 dans le bulletin épidémiologique hebdomadaire des CDC, des enquêteurs rapportent avoir identifié au sein de quinze maisons de retraite, entre décembre et mars 2021, 22 cas d’infection par le SARS-CoV-2 (12 résidents et 10 membres du personnel) après injection d’une seconde dose de vaccin. Parmi ces 22 infections post-vaccinales, 18 ont été détectées par des tests de routine et 4 chez des résidents qui avaient été testés avant d’être hospitalisés ou de subir une opération.

Il s’est écoulé en moyenne 29 jours entre l’injection de la deuxième dose de vaccin et la découverte du test diagnostic positif pour le SARS-CoV-2. Selon les établissements, entre 62 % et 96 % des résidents avaient reçu les deux doses de vaccin. Concernant le personnel, le taux de vaccination complète était bien moindre, compris entre 18 % et 85 %.

Près des deux-tiers des 22 infections post-vaccinales n’ont pas entraîné de symptômes. Ainsi, 14 personnes (8 résidents et 6 membres du personnel) étaient asymptomatiques. Deux résidents ont dû être hospitalisés du fait de la Covid-19. Un patient, souffrant de plusieurs comorbidités, a développé une pneumonie et est décédé de complications infectieuses associées à la Covid-19. Dans toutes les maisons de retraite étudiées, les épidémiologistes n’ont enregistré aucun cas de transmission secondaire.  

La charge virale a été évaluée sur des prélèvements respiratoires provenant de sept patients infectés par le SARS-CoV-2 au moins 14 jours après avoir été complètement vaccinés. De faibles taux d’ARN viral ont été détectés**.

Il est à noter que six personnes présentant une infection après leur vaccination ont eu un test PCR positif pendant les 90 jours précédant le test positif le plus récent. Cela fait dire aux auteurs que des études sont nécessaires pour différencier les infections post-vaccinales de séquelles d’infections antérieures (persistance de l’excrétion virale), mais également pour déterminer si des personnes vaccinées et infectées, mais asymptomatiques, peuvent transmettre le virus.

« Malgré la rareté des cas d’infection par le SARS-CoV-2 chez des sujets complètement vaccinés, ces cas démontrent la nécessité de recommander le respect des mesures barrières dans les maisons de retraite et de parvenir à une couverture vaccinale élevée parmi les résidents et le personnel », concluent Richard Teran, Stephanie Black et leurs collègues de l’Epidemic Intelligence Service des CDC et du département de santé publique de l’État de l’Illinois. Le séquençage génomique des virus impliqués dans ces infections post-vaccinales est en cours. À ce stade, les virologues ignorent donc si ces personnes âgées vaccinées ont été infectées ou non par des variants.

Marc Gozlan (Suivez-moi sur Twitter, Facebook, LinkedIn)

* Il s’agit de tests de séro-neutralisation avec des pseudovirus. Ces expériences utilisent non pas le virus SARS-CoV-2 mais un pseudovirus non infectieux, exprimant à sa surface une protéine S portant les mêmes mutations que celles retrouvées chez le virus de la patiente. Ces tests ne nécessitent donc pas de confinement en laboratoire de sécurité, ce qui facilite leur mise en œuvre.

** Ct > 28. Le Ct (Cycle Threshold) est le nombre de cycles d’amplification pour atteindre le seuil de détection lors de la réaction PCR. Plus la valeur du Ct est élevée et moins il y a de virus dans l’échantillon analysé. 

Pour en savoir plus :

Hacisuleyman E, Hale C, Saito Y, et al. Vaccine Breakthrough Infections with SARS-CoV-2 Variants. N Engl J Med. 2021 Apr 21. doi: 10.1056/NEJMoa2105000

Teran RA, Walblay KA, Shane EL, et al. Postvaccination SARS-CoV-2 Infections Among Skilled Nursing Facility Residents and Staff Members – Chicago, Illinois, December 2020-March 2021. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2021 Apr 30;70(17):632-638. doi: 10.15585/mmwr.mm7017e1

Jackson B, Rambaut A, Pybus OG, et al. Recombinant SARS-CoV-2 genomes involving lineage B.1.1.7 in the UK. Virological.com. March 2021

Sur le web :

CDC breakthrough infection guidance (CDC ,30 avril 2021)

Une réponse sur “Covid-19 : infections post-vaccinales dues à des variants”

  1.  » 9245 cas d’infections post-vaccinales survenues parmi plus de 95 millions de personnes qui avaient été complètement vaccinées. »
    Les vaccins sont très efficaces, merci.
    Y a-t-il vraiment si peu de mesures de charge virale après vaccination ?

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