Baignées d’une lumière violette tamisée, deux adolescentes s’embrassent sur un lit. Précautionneuse, la main d’Ola descend la fermeture de la combinaison de Lily, se glisse dans sa culotte… mais s’arrête net sous le « Aïe ! » de sa partenaire. « Ce n’est pas toi, c’est moi. Je fais du vaginisme », dit cette dernière en grimaçant, déçue d’être stoppée dans son élan. « Donc tu te masturbes pas ?
– Si, bien sûr. Quand je me touche, ça va. »
La scène d’après, les deux lycéennes se caressent chacune de leur côté du lit, dans une joyeuse communion. L’image ouvre l’ultime épisode de la saison 2 de Sex Education, la série à succès de Netflix dont la suite sera disponible le 17 septembre. Pour les millions de spectateurs qui la suivent, elle redessine les possibles des relations sexuelles, hors des standards hétérosexuels et d’une injonction à la pénétration.
Sex Education n’est pas la seule à prendre ce virage : de nombreuses séries ont réinvesti, ces dernières années, ce terrain de l’intime, explorant le plaisir féminin, parlant de consentement, d’amours et d’identités plurielles d’une manière inédite. Et sont ainsi devenues les vectrices d’une nouvelle éducation à la sexualité pour les adolescents et les jeunes adultes.
Un tournant dans les années 2010
« Les héroïnes de séries n’arborent plus un cœur fragile qui attend le prince charmant, mais des clitoris qui battent la chamade », analyse la chercheuse Iris Brey, autrice de Sex and the Series (Ed. de l’Olivier, 2018), qui a copublié en 2021 Sous nos yeux (La ville brûle), un « manifeste pour une révolution du regard » à destination des ados. « Moi, j’ai grandi avec des images centrées sur le plaisir masculin : la femme plaquée contre le mur, l’éjaculation sonnant la fin du rapport. Il y avait peu de possibles », se souvient la trentenaire, qui identifie un tournant dans les années 2010, accéléré par le mouvement #metoo.
L’esthétique et les scénarios proposés par ces séries participent à la création de nouveaux imaginaires, pour une jeune génération qui « binge watche » plus vite que son ombre. « Les séries ont été une base forte de mon éducation sexuelle : c’était la première fois que j’entendais parler de plaisir et, surtout, qu’on me le montrait », raconte Idil, 23 ans. Au lycée, elle a dévoré Sex and the City, la chronique, révolutionnaire à sa sortie, de la vie de New-Yorkaises assumant pleinement leur libido (un retour de la série est d’ailleurs en préparation) :
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