LA LISTE DE LA MATINALE
Une ascension vers les sommets où se croisent deux écoles de dessin, une guerre invisible dans les pas de militaires de l’opération « Sentinelle », des corps disparus à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, une fiction hollywoodienne délocalisée à Marseille, les derniers instants de vie avant l’euthanasie, mais aussi un peu d’écologie pour penser l’avenir. Voilà ce que proposent aux cinéphiles les films qui arrivent en salle cette semaine.
- A ne pas manquer
« Le Sommet des dieux » : poésie des cimes
Il fallait l’imaginer, et surtout l’oser, ce croisement entre deux écoles de dessin, certes aux antipodes, mais qui n’en avaient pas moins des choses à se dire : la ligne franco-belge, généralement qualifiée de « claire », et le manga japonais, avec son dynamisme graphique et son sens du découpage. Un parfait terrain de rencontre s’offrait comme sur un plateau en l’œuvre de Jiro Taniguchi, dessinateur de l’inoubliable Quartier lointain, né en 1947, dont le réalisme détaillé et les résonances proustiennes ne masquaient pas leur tendance européenne. C’est précisément dans ce fonds qu’est allé puiser l’animateur Patrick Imbert (Le Grand Méchant Renard et autres contes, 2017) pour porter à l’écran Le Sommet des dieux, d’après le manga éponyme en cinq tomes publié par Taniguchi entre 2000 et 2003, lui-même tiré d’un roman de l’écrivain Baku Yumemakura.
Situé dans le milieu de l’alpinisme, le récit jongle habilement avec plusieurs strates de temps. Fukamachi, photoreporter japonais spécialisé dans la montagne, mène l’enquête autour d’un mystérieux appareil photo qui aurait appartenu aux grimpeurs pionniers de l’Everest et serait susceptible de remettre en cause la date de leur première ascension. Loin de tout exotisme comme d’un quelconque pastiche, le film est une formidable réussite qui témoigne surtout d’un respect scrupuleux du matériau original, qu’il ne cherche jamais, et fort heureusement, à occidentaliser. Il en serait plutôt une sorte de traduction dans le langage voisin de l’animation. Mathieu Macheret
Film d’animation français et luxembourgeois de Patrick Imbert (1 h 30).
« La Troisième Guerre » : l’air sécuritaire du temps
Quelle est donc cette guerre évoquée dès le titre du premier long-métrage du jeune réalisateur italien Giovanni Aloi, tourné en France et en français ? Non plus la guerre traditionnelle avec ses lignes de front et ses antagonismes déclarés, mais une guerre invisible, diffuse, intégrée, susceptible d’éclater en tout lieu et à toute heure. Celle-là même que Manuel Valls avait nommée en 2015 « guerre contre le terrorisme ». Moins qu’un sujet à traiter, c’est un malaise social que cherche ainsi à diagnostiquer La Troisième Guerre, celui d’une France au bord de l’implosion.
Il vous reste 73.92% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.