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« Le Green Book, voyage dans l’Amérique ségrégationniste » sur RFI : les secrets du « guide du routard » afro-américain

Deux épisodes de l’émission « Si loin, si proche » sont consacrés à ce guide destiné aux automobilistes noirs et publié en 1936 par un postier d’Harlem nommé Victor Hugo Green.

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Publié le 03 mai 2021 à 08h28, modifié le 03 mai 2021 à 09h49

Temps de Lecture 3 min.

La couverture de l’édition de 1940 de « The Negro Motorist Green Book ».

RFI – À LA DEMANDE – PODCAST

En 1936, Victor Hugo Green, un postier d’Harlem, publie The Negro Motorist Green Book, un petit livre vert, guide de survie en voyage destiné aux automobilistes noirs, comme lui, qui entendent prendre leur voiture pour arpenter les grands espaces de leur pays, ou simplement déménager.

La ségrégation raciale sévit plus que jamais dans le sud du pays (lois Jim Crow) depuis la guerre de Sécession, qui a, pourtant, permis l’abolition de l’esclavage en 1863. Dans le Nord, vers lequel une partie des populations noires fuit, elle n’est pas imposée par la loi, mais existe dans les faits : dans tous les lieux publics, y compris les transports, Noirs et Blancs sont séparés.

Dans les années 1930, une classe moyenne noire émerge : les plus fortunés peuvent acheter une voiture et voyagent, mais à leurs risques et périls, humiliés dans les lieux qui refusent de les servir et sous la menace d’agressions racistes. Dans ce livre, les endroits sûrs où manger, dormir, se ravitailler en essence, aller à la plage ou se faire couper les cheveux étaient répertoriés grâce à un réseau d’usagers et de postiers afro-américains qui correspondaient dans les cinquante Etats d’alors.

Rares témoignages historiques

Dans l’émission, la documentariste et écrivaine Candacy Taylor est notre guide : en 2020, elle a publié, aux Etats-Unis, Overground Railroad. The Green Book and the Roots of Black Travel in America (Abrams Press, janvier 2020, non traduit), fruit d’une colossale enquête débutée en 2013, sur 80 000 kilomètres, à la recherche des sites recensés – au moins 5 000 – par le Green Book. Le récit radiophonique construit par Céline Develay-Mazurelle et Laure Allary pour RFI est passionnant grâce aux rares témoignages historiques recueillis sur la route – littéralement – et l’éclairage précieux apporté ici par l’historienne et américaniste Sylvie Laurent, chercheuse associée à l’université Harvard et autrice d’un livre sur le racisme au cœur du néolibéralisme américain, La Couleur du marché. Racisme et néolibéralisme aux Etats-Unis (Seuil, octobre 2016).

Tout commence lorsqu’on demande à Mme Taylor d’écrire un guide de la mythique Route 66, entre Chicago en Illinois et Santa Monica en Californie, dont beaucoup d’Américains sont nostalgiques. « Alors que j’écrivais ce guide de voyage, je me suis rendu compte que la moitié des comtés sur la Route 66 – il y en a 88 en tout – étaient des “sundown towns”, des villes avec des couvre-feux raciaux, retrace-t-elle. J’étais ahurie que l’on célèbre cette route comme LA route des Américains alors que les villes qu’elle traversait étaient pour moitié des communautés blanches où les Noirs qui osaient s’y aventurer pouvaient avoir de sérieux problèmes s’ils se faisaient attraper en ville après six heures du soir. »

L’histoire de ce guide aussi courageux qu’ingénieux est aussi méconnue en France qu’outre-Atlantique

L’histoire de ce guide aussi courageux qu’ingénieux est aussi peu connue en France qu’outre-Atlantique – même si Hollywood s’y est récemment intéressé (le film Green Book, avec Viggo Mortensen et Mahershala Ali, a obtenu en 2019 le prix du public au Festival de Toronto). Aujourd’hui, 80 % des enseignes citées ont disparu. Beaucoup de lieux, prospères sous la ségrégation, ont perdu leur clientèle et sont tombés en ruine avec l’obtention des droits civiques à partir de 1964, que Victor Green, mort le 16 octobre 1960, n’aura pas le temps de voir. Son « guide du routard » afro-américain est, par ailleurs, édité pour la dernière fois en 1966-1967. Il est désormais entré de plain-pied dans le patrimoine universel, comme le mouvement Black Lives Matter.

Comment préserver ce patrimoine ? Un enjeu fondamental, vital même, tant cette histoire éclaire aujourd’hui les questions de racisme systémique qui perdurent dans la société américaine, notamment soulevées par la réalisatrice Ava DuVernay dans son film choc Le 13e (The 13th). L’internaute peut consulter en ligne les témoignages recueillis par Candacy Taylor sur le site de l’American Folklife Center de la bibliothèque du Congrès à Washington.

Le Green Book, voyage dans l’Amérique ségrégationniste, documentaire produit par Céline Develay-Mazurelle et réalisé par Laure Allary (Fr., 2021, 2 x 52 min). Disponible à la demande sur RFI.

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