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« La Sagesse de la pieuvre », sur Netflix : la psychanalyse par le poulpe, entre fascination visuelle et crises existentielles

Récemment oscarisé, le documentaire avec Craig Foster met en scène son étrange relation thérapeutique avec son « maître octopus ».

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Publié le 08 mai 2021 à 16h00, modifié le 12 juin 2021 à 15h03

Temps de Lecture 2 min.

« La Sagesse de la pieuvre », de Pippa Ehrlich et James Reed, avec Craig Foster.

NETFLIX - A LA DEMANDE - DOCUMENTAIRE

« Ô poulpe, au regard de soie ! » Tel le comte de Lautréamont (dans Les Chants de Maldoror, 1869), le documentariste sud-africain Craig Foster est tombé sous le charme d’une pieuvre, croisée dans les forêts sous-marines de kelp – algue arborescente – près de la ville du Cap, à l’extrême sud du continent. Une rencontre improbable, alors que, professionnellement, le documentariste frôle le burn-out. Dès lors, pendant près d’un an, il a « l’idée folle » de plonger chaque jour en apnée, sans combinaison, dans de l’eau, « parfois à 8 ou 9 degrés », pour retrouver l’animal.

Ainsi, au fil des jours, va s’établir entre eux ce que les images et les commentaires forcent à appeler une relation affective – et salvatrice pour le plongeur quinquagénaire. My Octopus Teacher (son titre en anglais, littéralement Mon maître poulpe, adapté en français La Sagesse de la pieuvre) relate cette étrange thérapie dans un film qui aiguise d’autant plus la curiosité qu’il vient de remporter l’Oscar du meilleur documentaire, le 25 avril, à Los Angeles.

Tout d’abord, évacuer la sémantique. Octopus se traduit indifféremment par « poulpe » ou « pieuvre » depuis que Victor Hugo en a popularisé le terme dans Les Travailleurs de la mer (1866) : « Celui que les marins appellent poulpe, que la science appelle céphalopode (…) Dans les îles de la Manche, on le nomme pieuvre ». Mais là où l’auteur français met en garde contre « le monstre », « la glue pétrie de haine », Craig Foster, acteur principal et producteur de son propre documentaire, n’y voit que tendresse et beauté.

Plans sous-marins extraordinaires

La réalisation fournit des plans sous-marins esthétiquement extraordinaires, comme ceux du troupeau de crevettes parti à l’assaut d’un rocher, ou ceux de la forêt aux couleurs moutarde et turquoise. Jamais une pieuvre n’a été ainsi filmée, dans la durée ; en train de se lover autour d’une main, d’un torse… « J’avais du mal à penser qu’elle pouvait tirer profit de cette relation, commente le cinéaste énamouré. Elle éprouve peut-être une joie quelconque. »

Sans doute n’échappe-t-on jamais, dans le film animalier, à l’anthropomorphisme. Mais ici, par son omniprésence à l’écran – en voix off ou en visuel, assis à son bureau, en gros plan, parfois les larmes aux yeux –, Craig Foster s’accapare l’existence, magnifique mais somme toute banale, d’une pieuvre ; et la détourne à son profit, au risque de décevoir les puristes des documentaires environnementaux.

« On franchit une limite en s’immisçant dans la vie des animaux, mais elle [l’octopus] comptait trop pour moi, admet d’ailleurs le plongeur, ouvrant une moule pour nourrir la pieuvre convalescente. Elle m’apprenait à m’attacher à l’autre. » L’homme franchit une nouvelle limite un peu plus tard : « Je pensais comme un poulpe. » Le téléspectateur s’interroge : après sa « poulpothérapie », Craig Foster va-t-il vraiment mieux ?

La Sagesse de la pieuvre, de Pippa Ehrlich et James Reed (Af. du Sud, 2020, 90 min). Netflix

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