Le ministère de la culture a annoncé, le 7 mai, que les œuvres des Arts incohérents récemment réapparues, étaient reconnues trésor national et que leur exportation serait interdite. Découvert en 2018 dans une malle chez des particuliers qui en ignoraient la nature, cet ensemble, dont on ne sait qui le constitua, réunit dix-sept œuvres réputées disparues jusque-là et devenues, pour plusieurs, légendaires.
La plus connue est Combat de nègres pendant la nuit, montré lors de l’exposition des Arts incohérents de 1882, signé par le poète Paul Bilhaud (1854-1933), renommé en 1897 Combat de nègres dans un tunnel par Alphonse Allais (1854-1905) dans son Album primo-avrilesque : un monochrome noir, sans doute le premier du genre. Dans la même publication burlesque figure aussi un monochrome vert intitulé Des souteneurs, encore dans la force de l’âge et le ventre dans l’herbe, boivent de l’absinthe. Or, la malle contenait aussi un rideau de fiacre de soie verte avec ce même titre inscrit sur une plaque de métal attachée au cylindre de bois qui supporte le rideau : non seulement un deuxième monochrome, mais encore un ready-made, bien avant que Marcel Duchamp (1887-1968) n’invente le terme et la notion.
A ces deux pièces s’en ajoutent quinze autres, dont plusieurs du paysagiste Jules Foloppe, qui signe du pseudonyme de Gieffe une version picturale burlesque de la fable de La Fontaine La Tortue et les deux Canards, agrémentée d’éléments de dînette en céramique et de ficelles. D’autres travaux sous le signe de la dérision et du comique, du caricaturiste Boquillon Bridet (1859-1886) et du peintre Paul-Eugène Mesplès (1849-1924), étaient aussi dans la malle. Toutes ces pièces sont citées, parfois reproduites, dans les catalogues des expositions des Arts incohérents qui ont lieu dans les années 1880. Jusqu’à présent, les historiens n’avaient que ces livrets et les articles de presse pour imaginer ces manifestations, qui préfigurent, en certains points, celles du dadaïsme et du surréalisme.
Trente mois pour trouver 10 millions d’euros
En raison de ces publications et de nombre de détails de fabrication, il n’a pas été difficile à l’inventeur de cet ensemble, l’antiquaire et expert Johann Naldi, d’établir l’authenticité des pièces. Ce travail accompli, il montrait la collection à la directrice et aux conservateurs du Musée d’Orsay au printemps 2020, dans l’espoir que le musée engage un processus d’acquisition. Faute de réponse, il déposait, fin novembre 2020, auprès du ministère de la culture, une demande d’autorisation d’exportation, puis rendait publique quelques mois plus tard sa découverte.
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