Il ne fait pas loin de 30 °C, ce 11 juillet, dans le Jardin de la Vierge du lycée Saint-Joseph, mais David Wahl ne les sent pas. L’argile fait tomber la température de son corps à 18 °C, et il en est recouvert par le sculpteur Olivier de Sagazan, qui l’accompagne dans Nos cœurs en Terre. Une performance présentée dans « Vive le sujet ! », une manifestation du « in » : un artiste est invité par le Festival, il en choisit un venu d’une autre discipline, et tous deux présentent un spectacle qui ne doit pas excéder 45 minutes. C’est l’occasion de faire des découvertes, et Nos cœurs en Terre en est une, des plus aimables.
Au début de leur performance, David Wahl et Olivier de Sagazan arrivent en costume noir. A la fin, ils ne forment plus qu’un seul être d’argile, né de l’union de mains expertes et de mots agiles. Ces mots, ce sont ceux de David Wahl, un auteur de théâtre qui va son chemin, absolument indifférent aux modes, mais totalement habité par sa passion pour la science et les personnages extravagants. Nos cœurs en Terre s’appuie sur l’histoire de Pierre Borel (1620-1671), médecin à Castres et savant qui ne manquait pas d’idées : il pensait que l’univers est habité, que la Terre est un organisme vivant, et que les pierres ont un sexe. Bref, « il voyait la vie partout », dit David Wahl, qui part de Pierre Borel pour nous mener aux recherches actuelles sur la pluralité des sources de la vie, en citant au passage Heidegger ou Rilke.
Histoires avant tout
C’est un régal de l’entendre, sur scène comme à la ville. Le public d’Avignon qui n’a pas vu Nos cœurs en Terre, joué jusqu’au 13 juillet, peut voir l’artiste dans Le Sale Discours, présenté jusqu’au 25 à La Manufacture, une des meilleures salles du « off ». Soyons précis : ce n’est pas Le Sale Discours, mais Le Sale Discours ou Géographie des déchets pour tenter de distinguer au mieux ce qui est propre de ce qui ne l’est pas. David Wahl a le goût des lettres et une attirance pour les titres et le style classiques.
« Depuis toujours, je veux écrire », dit-il, attablé dans un salon de thé d’Avignon où Marguerite Yourcenar serait venue. Légende ou vérité ? Cette incertitude réjouit Wahl, qui aime avant tout les histoires. Il raconte celle de sa grand-mère paternelle, scientifique issue d’une famille de scientifiques : « Au sortir de la seconde guerre mondiale, elle a inventé, avec un collègue, une nouvelle façon d’observer la croissance d’un embryon, en perçant une petite fenêtre dans l’œuf, sans toucher la membrane. Elle a conservé le premier embryon ainsi observé dans du formol. Quand j’avais une bonne note, elle me demandait ce qui me ferait plaisir. Je répondais : voir l’embryon. » Lequel est aujourd’hui chez David Wahl, qui n’a pas choisi les études scientifiques : « J’aimais trop les études littéraires. »
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