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Festival d’Avignon : le puissant combat de Phia Ménard avec la matière

Avec sa « Trilogie des contes immoraux », la performeuse et metteuse en scène propose une vision saisissante, politique et mythologique, de notre monde pré-apocalyptique.

Par  (Avignon (Vaucluse), envoyée spéciale)

Publié le 21 juillet 2021 à 09h42, modifié le 29 octobre 2021 à 11h57

Temps de Lecture 5 min.

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Phia Ménard et sa tour de Babel en construction dans «  La Trilogie des contes immoraux (pour Europe) », à l’opéra Confluence d’Avignon.

Avignon est entrée en transe, lundi 19 juillet : avec La Trilogie des contes immoraux (pour Europe), la performeuse et metteuse en scène Phia Ménard offre au festival son premier vrai triomphe, saluant une création d’une puissance scénique et plastique peu commune. Le voyage dans lequel embarque Phia Ménard est de ceux que l’on rêve toujours de vivre, dans un festival comme Avignon, où l’on attend que s’expriment les imaginaires et les langages les plus singuliers.

Tout commence pourtant de manière tranquille, sur le grand plateau nu du théâtre, où une femme est assise, qui vous regarde. Elle a tout de la guerrière punk, de la gladiatrice d’un futur post-apocalyptique, avec son Perfecto de cuir rouge, ses bottines à talons, brassards en métal, collier à piques et gants cloutés. Rêve-t-on, ou son cache-sexe est bien recouvert par une tête de mort ? Un bandeau noir est peint autour de ses yeux, qui évoque une des réplicantes de Blade Runner, le film de Ridley Scott.

La créature semble flairer le plateau, arpenter le terrain, le jauger, le mesurer. Elle prend son temps. Puis s’empare de sortes de lances, ou de piquets, qu’elle plante dans une grande feuille de carton, étalée au sol. A partir de ce carton géant, prédécoupé et préformé, et à grands coups de ruban adhésif, elle va monter, sous nos yeux, ce qui ressemble d’abord à une petite maison carrée.

Athéna du XXIe siècle

Le combat avec la matière que mène, dans ce premier conte intitulé Maison Mère, cette Sisyphe en minijupe de cuir génère un suspense inouï, tout autant qu’un sentiment jouissif. La bataille n’est pas gagnée d’avance, le jeu de construction est pour le moins physique, la maison, plusieurs fois, glisse du mauvais côté. Et une fois finie, elle lui retombe dessus, l’enfermant à l’intérieur.

On entend alors le son d’une tronçonneuse, maniée, de toute évidence, avec autant de férocité que le ruban adhésif. Notre guerrière découpe dans les murs en carton ce qui ressemble à des colonnes doriques, pour finir par faire apparaître ce qui ressemble à une réplique cheap du Parthénon d’Athènes. Ayant fini son œuvre, elle peut enfin se reposer, cette Athéna du XXIe siècle, qu’incarne Phia Ménard elle-même avec une énergie hallucinante. Sauf qu’il se met à pleuvoir sur son Acropole. Le toit s’affaisse, les colonnes s’écroulent, les murs s’effondrent, et l’édifice patiemment construit devient, en quelques instants, une ruine sous nos yeux.

Cette construction qu’on laisse se détruire avec une vitesse et une négligence sans commune mesure avec l’effort qu’il a fallu pour la bâtir, c’est pour Phia Ménard celle de la civilisation européenne. On ne saurait donner de cet effondrement une image plus forte, plus concrète et plus parlante. S’ouvre alors, dans un paysage cosmique d’après-cataclysme, noyé de gris et nimbé d’une musique céleste, le deuxième conte, intitulé Temple Père. Sur ce monde glacé règne une grande prêtresse en smoking blanc, menant à la baguette une armada de servants-travailleurs-soldats. Comme dans Maison Mère, c’est la construction en direct, dans le temps de la représentation, qui est au cœur de cette heure haletante et hypnotique.

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