A 54 ans, l’« actrice préférée des Français », comme le révèlent régulièrement les sondages, tient le rôle principal du nouveau film de François Ozon, Tout s’est bien passé. Une adaptation du roman d’Emmanuèle Bernheim (Gallimard, 2013), où celle-ci raconte comment son père, se sachant condamné, la chargea de la lourde mission d’organiser son suicide assisté en Suisse.
Pas léger, comme sujet…
Honnêtement, lorsqu’on m’a parlé de cette histoire, je n’ai pas trouvé le truc particulièrement attractif, d’autant que je ne voyais pas où était le problème : j’imaginais le vieil Indien qu’on accompagne en haut de la montagne pour mourir. Mais l’intrigue du livre d’Emmanuèle Bernheim fait surgir que ce n’est pas si simple : parce qu’il y a des lois, parce que le cercle familial s’en trouve remué.
Votre père est mort cet hiver…
Je n’ai pas envie de tout mélanger. Ce père du film n’a rien à voir avec le mien. Reste qu’on vit la mort de quelqu’un, et puis ça demeure comme ça pendant longtemps, une espèce de fumée qui reste, et qui reste, et qui reste. Ce sont des moments fondamentaux. Je les ai vécus dans le moment présent, il n’y a pas eu de révélation, juste de l’amour jusqu’au bout… Bien sûr, on a traversé des crises, mais je crois qu’on était « à jour », avec mes parents.
Vous avez aussi vécu la disparition du cinéaste Andrzej Zulawski, avec qui vous avez vécu dix-sept ans et avez eu un fils…
Là aussi, j’ai eu cette chance d’être présente, d’être là avec les gens que j’aime. Je pense qu’on meurt comme on vit. Cela semble une phrase toute faite, mais je n’ai jamais été surprise par la mort de ceux qui m’entourent. Je les ai trouvées cohérentes – la mort n’est pas la bienvenue, bien sûr, on est triste, mais le film raconte ça, le personnage du père est cohérent vis-à-vis de ça. C’est sa fille qui a un problème, parce qu’elle doit endosser une forme de responsabilité en accompagnant son père à la mort. Il est un peu salaud, le père.
Le feriez-vous ?
Je pense que la personne qui va mourir n’a pas tous les droits… mais un peu tout de même. C’est courageux d’aller mourir, et si les gens ne sont pas courageux et qu’ils ont peur, il faut être là. Je crois que ce n’est pas le moment de régler ses comptes.
Ça peut rester très lourd à porter, ensuite. C’est ce que vous disiez sur la fumée, non ?
Il y aura des restes et des résidus… Des choses qu’on n’aura pas réglées probablement, mais à chaque jour suffit sa peine.
Avez-vous parlé de tout ça avec François Ozon ?
François est pudique. Dans ses films, même s’il ne raconte pas des histoires personnelles, évidemment qu’il parle de lui, mais il est énigmatique. De même, il n’a pas envie que vous vous épanchiez en mots, en psychologie. Pourtant, il enregistre, il capte quelque chose de votre sensibilité et, au moment du jeu, il n’est pas dans le psycho-tout-ça, mais dans l’action. A ce moment-là, il vous laisse vous exprimer.
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