Breton et revendiquant souvent sa fierté de l’être, dur en affaires, parfois brutal dans ses rapports professionnels, fidèle en amitié, Patrick Le Lay est mort mercredi 18 mars à l’âge de 77 ans. Entre la fin des années 1980 et le début des années 2000, ce fils de professeur de mathématiques de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) aura régné sur le paysage audiovisuel français à la tête d’une chaîne, en l’occurrence TF1, qui dépassait parfois 40 % de part de marché. A l’annonce de son décès, Martin Bouygues, patron du groupe TF1, a réagi : « J’avais avec Patrick Le Lay des liens de confiance et d’amitié. C’est lui qui a été l’artisan de la privatisation de TF1. C’était un homme de conviction parfois rude mais toujours attentif aux autres. C’est quelqu’un que j’aimais profondément. »
Avec à ses côtés l’expérimenté journaliste Etienne Mougeotte, Le Lay, ingénieur des travaux publics de formation, fera de la première chaîne une redoutable machine de guerre. Les audiences très élevées, des JT aux divertissements en passant par les fictions ainsi que les rentrées publicitaires colossales, feront du TF1 de Le Lay (le méchant flic qui tape) et Mougeotte (le bon flic qui cajole) un exemple unique de réussite dans le secteur médiatique.
Diplômé de l’Ecole spéciale des travaux publics, rien ne le prédestine a priori à diriger une chaîne de télévision. Mais en intégrant le groupe Bouygues en 1981, Le Lay, brillant ingénieur, ne tarde pas à attirer l’attention de Francis Bouygues, fondateur de ce qui deviendra le numéro un mondial du BTP. Lorsqu’il s’agit de réfléchir à la diversification de son immense groupe, Bouygues charge Le Lay du dossier de la privatisation de TF1. Une chaîne de télé emblématique pour un groupe de BTP ? Rares sont ceux qui estiment possible une victoire de Bouygues dans cette bataille médiatico-politique.
Première chaîne européenne
A l’époque, la plupart des observateurs parient sur une victoire de Jean-Luc Lagardère, alors à la tête d’Hachette. Mais l’habileté politique de Bouygues alliée à la qualité du dossier façonné par Le Lay fait qu’il remporte la mise, à la surprise générale, en 1987. Avec la privatisation, TF1 entre dans une nouvelle ère : celle de la domination écrasante du paysage audiovisuel français, avec des vedettes payées à prix d’or, des émissions très grand public et parfois très racoleuses.
Lorsque Le Lay devient président de la chaîne en octobre 1988, la situation de TF1 n’est guère enviable. Lancée en France depuis février 1986, la Cinq de Silvio Berlusconi est en train de déstabiliser le marché en proposant des ponts d’or aux animateurs vedettes de l’époque. Pour éviter que TF1 ne perde du terrain, il faut agir, vite et fort. L’objectif est clair : l’audience, point barre. Et pour y parvenir, il faut que les stars du petit écran soient sur TF1. En quelques mois, le choc frontal entre TF1 et la Cinq tourne à l’avantage de la Une. De Michel Drucker à Thierry Roland, d’Anne Sinclair à Christophe Dechavanne, de Jean-Pierre Foucault à Philippe Bouvard, les vedettes de TF1 écrasent la concurrence.
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