Depuis dimanche soir 15 mars, Maxime [tous les prénoms sont modifiés] ne travaillait plus. Livreur de repas dans le sud-ouest de la France pour les plates-formes, ce jeune homme aurait pu parfaitement continuer à livrer, son activité étant autorisée, alors que les restaurants ont dû fermer dès samedi 14 mars à minuit dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19. Mais Maxime a eu « trop peur » d’être contaminé lors de ses dernières livraisons.
Un guide des précautions sanitaires à respecter dans ce domaine, basées sur l’obligation de réaliser la livraison « sans contact », a certes été publié par Bercy. Les restaurants doivent notamment prévoir « une zone de récupération des repas sans contact » entre le restaurateur et le livreur. Ce dernier doit y déposer son sac ouvert dans lequel le serveur place le plat. Or, cette zone n’existe pas dans certains restaurants. Du coup, Maxime devait entrer dans le restaurant où un serveur lui donnait le plat emballé dans un sac, de la main à la main. Des clients pour les plats à emporter étaient aussi présents. « Je ne me suis pas senti en sécurité. »
Des ratés
Mercredi 18 mars, à 18 heures, Maxime a repris les livraisons. Autoentrepreneur, comme la plupart des livreurs des plates-formes, avec un loyer à payer, il s’est rendu compte, en regardant Internet, qu’il n’aurait pas d’aide de l’Etat s’il restait confiné. « Pour l’obtenir, il faudra avoir enregistré une baisse de 70 % du chiffre d’affaires en mars par rapport à mars 2019. Or, en deux semaines, j’ai fait plus qu’en mars 2019. J’aurai droit à rien. On est de la chair à canon. »
La livraison sans contact nécessite aussi que le livreur dépose son sac ouvert contenant le plat emballé devant la porte du client, qu’il prévienne celui-ci de son arrivée, puis s’éloigne immédiatement d’au moins deux mètres de la porte. Le client prendra directement le plat dans le sac. Mais là aussi il y a des ratés. Par exemple, des clients attendent leur livraison devant leur porte. Dans ce cas, « je prends le plat et je le leur tends, précise Armand, 19 ans, étudiant et livreur dans le sud de la France. Je pourrais le déposer à leurs pieds pour rester sans contact, mais ce ne serait pas très aimable. »
« Beaucoup de livreurs n’ont pas conscience des risques qu’ils prennent. » Jérôme Pimot, cofondateur du Collectif des livreurs autonomes à vélo de Paris
« C’est indécent et irresponsable de nous envoyer en livraison, estime Marine, 30 ans, livreuse dans l’est de la France, qui a cessé de travailler le 13 mars. « Un copain avait de fortes chances d’avoir le virus », dans cette région si durement frappée. « La livraison n’est pas une activité essentielle à la vie du pays, clame-t-elle. Sommes-nous sacrificiables au nom du dieu de la finance ? » « Mais beaucoup de livreurs n’ont pas conscience des risques qu’ils prennent ou bien veulent continuer à faire du fric coûte que coûte », déplore Jérôme Pimot, cofondateur du Collectif des livreurs autonomes à vélo de Paris (CLAP).
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