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« Les entreprises qui ratent le tournant vert vont disparaître »

Ilham Kadri, directrice générale de Solvay était, avec Alain Griset, ministre chargé des petites et moyennes entreprises, l’invitée du Club de l’économie du « Monde », jeudi. Elle explique les choix qui portent son groupe vers les métiers liés au développement durable et à l’économie circulaire, et aborde le thème de la diversité dans l’entreprise.

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Publié le 20 novembre 2020 à 12h30, modifié le 11 décembre 2020 à 11h31

Temps de Lecture 4 min.

Ilham Kadri, directrice du groupe belge Solvay, le 15 mars 2019, à Paris.

La chimiste franco-marocaine, patronne de Solvay depuis 2019, issue d’un milieu modeste, évoque la mutation radicale de l’entreprise belge de chimie vers le développement durable, et l’importance de la diversité dans les entreprises comme dans la société.

Le choix du durable

« Dans le cadre de notre stratégie de croissance, nous sommes en train de revoir notre portefeuille d’activités. Nous sommes beaucoup trop diversifiés et explorons des options de cessions afin de nous tourner vers les métiers d’avenir, liés au développement durable. Ce sont par exemple ceux de l’allégement – des matériaux et des véhicules, par exemple. Ou encore l’hydrogène, un domaine nouveau pour nous, qui représente une opportunité de presque 1 milliard d’euros à l’horizon 2030. Nous sommes aussi dans les batteries des voitures électriques, et travaillons sur une restructuration globale de notre outil industriel sur l’aéronautique. Nous disposons également d’activités résilientes, dans l’hygiène, la santé, les soins à la personne, la maison.

Nous sommes dans vos smartphones, dans la connectivité, l’automatisation, l’électronique… Tout cela, ce sont des métiers porteurs sur lesquels nous investissons beaucoup plus. Nous avons libéré 60 millions d’euros de réinvestissement depuis le mois de juillet, dès que nous avons compris que notre flux de trésorerie pour l’année serait très bon. En revanche, nous cherchons des options stratégiques pour toutes les activités pétrolières. C’est un secteur qui souffrait énormément. Nous préférons nous cannibaliser aujourd’hui pour préparer la relance, car nous sommes persuadés qu’elle sera verte. »

L’économie circulaire

« Nous avons rejoint les accords de Paris en février et avons plus que doublé la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Nous avons déclaré que, d’ici 2030, nous allions abandonner le charbon, la première énergie primaire que nous avons utilisée depuis la naissance de ce groupe il y a cent cinquante-huit ans. Aujourd’hui, 7 % de notre chiffre d’affaires est constitué d’énergies circulaires ou de déchets réutilisés. Nous allons porter cette part à 15 % d’ici 2030.

Nous nous appuyons sur un partenariat avec la Fondation Ellen MacArthur pour renforcer la contribution du groupe à l’économie circulaire. Il faut boucler cette boucle avec nos fournisseurs, nos clients et leurs clients. L’objectif est de transformer la matière pour lui donner une valeur équivalente : la vanilline naturelle dans vos gâteaux, nous la faisons à partir de la peau du riz, qui, normalement, est un déchet. Nous sommes en partenariat avec Veolia pour le recyclage des batteries électriques. Il s’agit d’en tirer des matériaux critiques, tels que le cobalt, le nickel, le lithium, et les transformer en matière première de haute pureté, qui peut être réinjectée dans la même chaîne de valeur.

Avant, on fabriquait un produit, on l’inventait et on cherchait à le vendre. Aujourd’hui, il faut penser le produit comme circulaire depuis le début. La chimie est une science qui utilise la matière première. Elle peut être fossile, mais on tend à aller plus vers le naturel, le bio.

Je croyais au rebond vert bien avant cette crise. Les entreprises qui ratent ce tournant sont vouées à l’échec et vont disparaître. Un rapport de Capgemini, en 2020, nous indique que 41 % des investisseurs potentiels de moins de 40 ans sont intéressés par l’investissement durable, contre 27 % pour l’ensemble des répondants. Cela montre qu’il y a un changement de mentalité générationnel. Tout cela est en équilibre et il faut que cela soit profitable. C’est important, sinon ce n’est pas durable. »

La crise

« Je n’ai jamais vécu, dans ma vie professionnelle, une telle convergence simultanée de risques. Du jour au lendemain, au mois de mars, je n’étais plus PDG : je cherchais des masques, parce qu’on en manquait. Il fallait protéger nos employés et leurs familles. Il fallait protéger les liquidités, le cash, nos clients et les aider dans un monde très instable. Il fallait protéger la chaîne de valeur et avoir un œil sur le télescope, pour préparer demain. C’est cet équilibre qu’il faut maintenir : le microscope et le télescope. »

La diversité

« La diversité est une vraie nécessité. La diversité des genres, des façons de penser, des orientations sexuelles, des handicaps. Des études montrent que, sur vingt ou trente ans, les sociétés les plus diversifiées dans leur management sont les plus profitables. Chez Solvay, nous avons comme objectif d’atteindre la parité en 2035. Pourquoi prendre cinq ans de plus que pour les objectifs d’environnement durable en 2030 ? Parce que c’est plus compliqué.

Des mentors et des sponsors, c’est ce qui manque probablement à la gent féminine. Un mentor vous parle, vous aide, vous coache. Un sponsor parle de vous quand vous n’êtes pas là. Il faut trouver ces sponsors dans un conseil ou un meeting importants, dans lesquels vous n’êtes pas. Les fractures actuelles – religieuses, ethniques, sociales – qui fragmentent la société viennent d’un manque de compréhension, d’explication, d’empathie, de respect et de dialogue. On peut créer ce lien au sein d’une société, d’une entreprise multiculturelle, et nous en avons besoin. »

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