Fini le « salaire jamais identique » d’un mois à l’autre sans en connaître la raison, et les changements fréquents de lieu de travail. Lundi 1er février, Janice Moreira, femme de chambre à l’hôtel Campanile de Levallois (Hauts-de-Seine), et ses trois collègues employées jusqu’à présent par un sous-traitant ont été « internalisées », c’est-à-dire directement salariées par l’hôtel. Déjà, le 1er janvier, les sept salariés d’un autre sous-traitant du nettoyage du Campanile du Bourget (Seine-Saint-Denis) avaient été intégrés dans cet hôtel.
Malgré la crise sanitaire liée au Covid-19, le groupe Louvre Hotels, auquel ces deux établissements appartiennent, a accepté une revendication portée de longue date par la CGT des Hôtels de prestige et économiques (CGT-HPE). Pour ce syndicat, le nettoyage des chambres constitue le cœur de métier des hôtels, et n’a donc pas à être externalisé. L’organisation avait déjà remporté plusieurs victoires identiques dans ce groupe, depuis l’intégration, en 2012, des personnels de deux hôtels de Suresnes (Hauts-de-Seine), Campanile et Première Classe, obtenue à l’issue d’une grève de vingt-huit jours en mars-avril de cette année-là. En 2016, cela a été au tour des salariés du Campanile Tour Eiffel, après un mois de débrayage, puis de deux autres établissements.
A Levallois comme au Bourget, la grève n’a pas été nécessaire pour aboutir à ces intégrations. Cependant, des négociations se sont étalées sur plusieurs mois entre la CGT-HPE et Louvre Hotels, propriété du groupe chinois Jin Jiang International. « On a instauré un rapport de force et le groupe a été à l’écoute, il faut le reconnaître, notamment en cette période de crise », souligne Fouad Slimani, représentant syndical CGT-HPE au Comité social et économique central du groupe.
« C’est une nouvelle vie »
« Nous sommes satisfaites, se félicite pour sa part Janice Moreira, en chômage partiel depuis le premier confinement, en mars 2020. Nous avons désormais des horaires et des salaires fixes, bien entendu, et des jours de repos fixes autant que possible. » Avec le sous-traitant, elle gagnait, en temps que femme de chambre, « 800 euros ou 750 ou 900 ou 950 ». « Je ne sais pas trop pourquoi ça variait. Je n’ai pas demandé, car je ne savais pas sur quoi me baser pour le calcul. » Elle touchera désormais 1 305 euros brut pour 120 heures de travail mensuels et aura également un lieu de travail unique. Chez le sous-traitant, cette mère d’un enfant domiciliée à Fontainebleau (Seine-et-Marne) était « envoyée sur différents sites : Torcy, Bry-sur-Marne, Le Blanc-Mesnil, Livry-Gargan… », en fonction des besoins.
Pour Daniel, valet de chambre au Campanile du Bourget, cette intégration est une « libération de l’esclavagisme de la sous-traitance. Il faut constamment réclamer le paiement des heures. Et parfois, on n’arrivait pas à nous les faire payer toutes. » Aujourd’hui, ce père de deux enfants se dit « très content ». « On est employés polyvalents : on peut travailler à la lingerie ou comme équipier, ou encore servir le petit déjeuner. Et on peut faire des formations pour être réceptionniste. C’est une nouvelle vie. »
Sollicitée, la direction ne nous a pas répondu. Pour Fouad Slimani, qui travaille au Campanile Tour Eiffel, « Louvre Hotels a réalisé que l’intégration [était] un modèle plus intéressant pour lui, étant donné les hausses de prix que pratiquent les sous-traitants dans un contexte Covid ».
Les salariés sont repris avec leur ancienneté et des avantages nouveaux, notamment un treizième mois de salaire, une prise en charge à 100 % du titre de transport et une indemnité repas. Ces intégrations « nous donnent de l’espoir et renforcent notre détermination », commente Sylvie Kimissa, femme de chambre à l’hôtel Ibis Batignolles (groupe Accor), où elles sont 20 à être mobilisées depuis juillet 2019 pour leur intégration. Et où « rien ne bouge ».
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