Elon Musk est un « troll » de patron. Il a suffi que le fondateur de Tesla annonce, lundi 8 février, que sa société avait acheté en janvier pour 1,5 milliard de dollars (1,25 milliard d’euros) de bitcoins, et qu’elle prévoit même de les accepter comme moyen de paiement de ses voitures électriques, pour que le cours de la première cryptomonnaie s’envole. Elle a dépassé 45 000 dollars, et un seul bitcoin permettra bientôt de s’offrir une Tesla Y d’entrée de gamme.
Les entreprises commençaient déjà à s’y intéresser, et le numéro un mondial de la gestion d’actifs, BlackRock, ne l’exclut plus pour diversifier les portefeuilles. Mais jamais le bitcoin n’avait reçu une telle marque de confiance. Car ce ne sont pas seulement les gestionnaires de la plantureuse trésorerie du premier constructeur automobile par la capitalisation boursière (800 milliards de dollars) qui ont fait ce nouveau placement de trésorerie : il porte la marque du patron gourou, devenu un influenceur de poids sur Twitter, un réseau social qui renforce les réflexes moutonniers des acteurs boursiers, surtout les petits porteurs.
En décembre, Musk avait déjà donné un coup de booster au bitcoin en l’évoquant sur Twitter, où il compte 46 millions d’abonnés. Il a récidivé, le 6 février, en en citant une autre, le dogecoin : la valeur de ce qu’il a baptisé « The Future Currency of Earth » (« la future monnaie de la Terre ») a alors doublé en une seule journée. Libertarien et disruptif, il n’est pas mécontent de se faire le zélateur des cryptomonnaies, au nez et à la barbe des institutions financières, qui, elles, s’en méfient. Janet Yellen, secrétaire au Trésor, la première, qui les accuse d’être « principalement utilisées » pour financer des activités illégales.
Machine à sous
Le bitcoin (+ 300 %) et l’action Tesla (+ 450 % en un an) semblent surtout emportés dans un même mouvement d’exubérance irrationnelle. Et les réseaux sociaux se mettent à amplifier cette dérive ! « La volatilité élevée du bitcoin va inévitablement entraîner une volatilité du bénéfice de Tesla, et rendre la performance de l’entreprise moins prévisible », prévient Ipek Ozkardeskaya, analyste chez Swissquote, dans une interview à Reuters. On peut se demander si la machine à sous que constituent ces deux actifs, qui retiennent l’attention de la Réserve fédérale, va continuer à « cracher » autant d’argent.
Le bitcoin et Tesla sont bien différents. Le premier reste proche des matières premières comme l’or, même si ses promoteurs prétendent en faire une véritable monnaie. Rien de tel pour l’action de Tesla, dont l’envolée – certes excessive – repose sur un brillant succès industriel et commercial : des carnets de commandes pléthoriques et quatre gigafactories de batteries et d’assemblage des voitures (Etats-Unis, Chine et Allemagne). Musk n’est pas devenu l’homme le plus riche du monde avec un empire bâti sur des tweets et du sable.