Suez est-il en train de franchir la ligne rouge fixée par Veolia – devenu son premier actionnaire en octobre 2020 après le rachat des 29,9 % de parts détenus par Engie –, qui le met en garde depuis des mois contre la vente de certains « actifs stratégiques » ? Le numéro 2 mondial de la gestion de l’eau et des déchets ne s’en soucie pas : il négocie la vente d’importantes activités en Australie et au Royaume-Uni. Une démarche cohérente avec ses choix industriels autant qu’une « manœuvre tactique » pour contrer l’offre publique d’achat (OPA) de son éternel rival, reconnaît un proche de Suez.
L’ex-Lyonnaise des eaux est en négociation avec Cleanaway Waste Management Ltd pour lui céder ses activités australiennes dans le traitement des déchets (4 millions de ménages et d’entreprises). La société, cotée à la Bourse de Sydney, a dû en informer le gendarme des marchés financiers, tout en précisant qu’elle n’avait aucune certitude sur l’issue favorable des discussions. Selon l’agence Bloomberg, Suez discute aussi avec le fonds I Squared Capital au sujet de ses activités dans les déchets outre-Manche.
Ces cessions sont, certes, cohérentes avec la stratégie de Suez. Six mois après sa nomination à la direction générale, en mai 2019, Bertrand Camus avait lancé un plan stratégique 2030, qui prévoit un recentrage sur des activités plus technologiques et plus rentables. Cela passe par le retrait de secteurs à plus faible valeur ajoutée, comme la collecte et le traitement des déchets ménagers. Suez veut ainsi réduire sa dette (9,75 milliards d’euros), verser plus de dividendes à ses actionnaires et investir dans les technologies, notamment pour traiter les eaux et les déchets industriels.
Message aux institutionnels
Mais à l’approche de l’assemblée générale de Suez, prévue fin juin au plus tard, ces ventes accélérées sont d’abord un message adressé à ceux, particuliers et institutionnels, qui détiennent encore 70 % de Suez et qui seraient tentés de céder aux sirènes de Veolia. Les montants des cessions évoqués – jusqu’à 2 milliards d’euros pour l’Australie et 1 milliard d’euros pour le Royaume-Uni – soulignent, en effet, que l’offre de Veolia de 18 euros par action (soit 9 fois l’« ebitda », terme équivalent au résultat d’exploitation) ne soutient pas la comparaison avec le multiple proposé pour ces deux activités (13 fois l’ebitda).
« Cette démarche est clairement agressive. Ces ventes modifient en profondeur le profil de Suez », souligne un proche du PDG de Veolia
Il vous reste 53.86% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.