Pertes et profits. Elon Musk a-t-il une âme d’espion ? Et ses véhicules à succès sont-ils une arme redoutable au service des agences américaines de renseignement ? Pourquoi pas, a répondu la Chine : les caméras embarquées sur les berlines électriques de la firme californienne pourraient être l’« œil de Washington » se promenant dans l’empire du Milieu et récoltant des informations sensibles jusque dans les installations militaires.
C’est très improbable, mais dans la guerre géo-technologique sans merci que se livrent les deux superpuissances, Pékin a décidé de limiter le droit des officiers et des employés des entreprises d’Etat à rouler en Tesla. Elles seront notamment interdites d’accès aux quartiers militaires. Même s’il est vrai que ses modèles recueillent de nombreuses données, M. Musk s’est défendu d’une telle intention, samedi 20 mars, lors d’un très officiel forum économique organisé depuis Pékin.
« Rester très confidentiel »
« Que vous soyez un groupe chinois ou américain, il vous en coûterait très cher de faire de l’espionnage, a-t-il souligné. Si Tesla utilisait ses voitures pour espionner dans n’importe quel pays, la compagnie serait fermée. » Ce qui constitue « une très puissante incitation à rester très confidentiel ». Son entreprise a inauguré, fin 2019, à Shanghaï, sa première « Gigafactory » hors des Etats-Unis, et a vendu 148 000 modèles en Chine en 2020, sur une production mondiale de 509 000 véhicules. Les Chinois aiment se mettre au volant d’une Tesla pour afficher leur réussite, et la marque escompte 200 000 immatriculations cette année.
Jamais les relations n’avaient été aussi dégradées entre Washington et Pékin depuis la naissance de la République populaire et la guerre de Corée. Ce boycottage ciblé peut être interprété comme une réponse modérée à la décision de l’administration Biden d’inscrire Huawei sur la liste des équipementiers télécoms chinois menaçant la sécurité nationale, amplifiant l’embargo décrété par la précédente. Et aux attaques contre TikTok, l’application d’échange de courtes vidéos, accusée par Donald Trump de collecter des données confidentielles au profit de Pékin.
Ces craintes sont jugées « irrationnelles » par M. Musk, qui a tout intérêt à faire profil bas : on sait que la foudre des autorités communistes peut s’abattre à tout moment sur les entreprises jugées trop puissantes. Le danger le plus sérieux vient pourtant des constructeurs locaux, déjà sur les rangs. En 2035, une voiture sur deux devra être électrique. Tesla veut par tous les moyens prendre sa part du gigantesque marché, et des designers vont « siniser » ses modèles pour séduire les clients. Il a une bonne longueur d’avance, mais jusqu’à quand ?