Pascale Hébel, directrice du pôle consommation au Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), revient sur les attitudes des Français face aux prix, délicates à concilier avec l’envie de changer de modèle de consommation.
Où en est la sensibilité aux prix des consommateurs français ?
On voit remonter très fortement ce critère d’achat. Lors de notre enquête sur les tendances de consommation de juillet 2020, ce n’était pas un sujet, les garanties d’hygiène et de sécurité étaient la grande priorité des Français. A présent, ces deux éléments font jeu égal. La sensibilité aux prix, très corrélée au contexte économique, revient généralement en première position quand le pouvoir d’achat baisse. On n’était pas dans ce cas de figure en 2020, mais les ménages anticipent des faillites d’entreprises et une montée du chômage dès que le soutien du gouvernement cessera, ils sont anxieux.
Un autre facteur a pu jouer : les ménages ont beaucoup dépensé pour leur alimentation en 2020. Le poids de ce poste dans leurs dépenses n’avait jamais été aussi élevé depuis les années 1960. On s’est souvent tourné vers des produits issus de PME et de circuits courts, donc un peu plus chers. Les Français n’ont pas envie, à présent, de continuer à dépenser davantage dans ce domaine, ils vont donc procéder à des arbitrages.
La relation aux prix n’a-t-elle pas évolué aussi plus profondément ?
La moitié des Français est très attentive aux prix et les compare, une proportion qui ne varie guère dans le temps. Deux typologies de comportements se dégagent. Il y a tout d’abord ceux que l’on appelle au Crédoc « les chasseurs de bas prix » : ce sont souvent des personnes en difficulté financière ou des familles qui ont besoin de limiter leurs dépenses pour s’installer et fréquentent généralement les circuits discount. Mais il y a aussi une catégorie constituée d’« experts malins » qui ne voient pas pourquoi payer plus cher à qualité égale. Il y a quinze ans, ce comportement était surtout le fait d’hommes jeunes ayant acquis le réflexe de comparer les prix sur le Web. Ces stratégies se sont installées et généralisées, et la montée du shopping sur Internet accentue le phénomène.
La plupart des individus ne sont-ils pas tiraillés entre l’envie de faire de bonnes affaires et celle de faire une bonne action ?
De nombreux Français font des efforts pour consommer différemment, mais pas tout le monde ou pas tout le temps. La consommation est de plus en plus fragmentée. Parmi ceux qui déclarent vouloir acheter moins et mieux, se trouve par exemple une part d’engagement de façade. Certains, parmi les surdiplômés urbains, n’ont qu’une envie : se lâcher sur les voyages en avion dès que ce sera possible.
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