Et à la fin, c’est Nicolas de Tavernost qui gagne. Qui défie les règles, déjoue les pronostics et s’apprête à devenir le PDG du géant français de l’audiovisuel né de la fusion de M6 et de TF1. Pour une surprise, c’est une surprise. Certes, il avait obtenu, en 2019, que l’âge limite pour présider le directoire de M6 soit repoussé (pour la deuxième fois) de deux ans, afin de faire coïncider la date de son départ avec celle de son soixante-douzième anniversaire. Mais le 22 août 2022 approchait inexorablement.
Il y a encore deux mois, en privé, l’homme disait suivre les opérations en attendant de se retirer des affaires, comme prévu. Finalement, celui qui a consacré trente-quatre ans de sa vie à l’ex- « petite chaîne qui monte », la challengeuse de TF1, conclura sa carrière à un poste que personne, il y a encore six mois, n’imaginait voir créer.
M6, qu’il a portée sur les fonts baptismaux pour la Lyonnaise des eaux en 1986, avant d’en devenir directeur adjoint en 1987, doit tout à l’audacieux dirigeant sorti de Sciences Po Bordeaux. A commencer par sa marge opérationnelle, qui s’est élevée à 21 % en 2020, année de pandémie mondiale, quand celle de TF1 se hissait à 9,1 %.
Fervent défenseur de la consolidation
Réputé gestionnaire rigoureux, pour ne pas dire pingre, Nicolas de Tavernost n’a jamais cherché à faire de M6 la chaîne la plus regardée de France, mais la plus prisée de la « femme de moins de 50 ans responsable des achats », cible préférée des publicitaires, et donc la plus rentable. En 2017, le rachat des radios de RTL par M6 n’avait d’autre but que de créer des synergies, synonymes de rationalisation des coûts, et de rapprocher les puissantes régies publicitaires des deux groupes.
Fervent défenseur de la consolidation, éternel pourfendeur d’une réglementation qu’il assimile à un carcan, Nicolas de Tavernost plaidait encore, le 7 avril dernier, devant le Sénat, pour un assouplissement des règles qui, le cas échéant, pourraient porter atteinte à l’intégrité du groupe qu’il a contribué à construire.
On imagine le septuagénaire à la sempiternelle chevelure rebelle savourer d’un plaisir non feint la décision des deux actionnaires (Bouygues et Bertelsmann) de lui confier la présidence du futur géant de la télévision française. Il y a exactement vingt ans, le 11 mai 2001, Le Monde publiait en « une » la tribune furieuse de son rival de toujours, Patrick Le Lay : alors que le dirigeant de TF1 était convenu avec ses homologues de M6 de « faire obstacle à l’intrusion en France de la télé-poubelle », l’émission de télé-réalité « Loft Story » rassemblait sur M6 des audiences pharaoniques permettant à la chaîne de jouer, pour la première fois, « dans la cour des grands ».
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