Pertes et profits. M6 a prospéré sur le mythe de la petite chaîne qui monte. A 34 ans, il est temps qu’elle passe à l’âge adulte, elle va donc prendre du poids. Ce sera le résultat le plus visible de son mariage avec la plus lourde des chaînes françaises, TF1. Le groupe allemand Bertelsmann, propriétaire de M6, avait prévenu : face à la concurrence numérique qui déferle sous les masques de Netflix, Amazon, Apple ou Disney, l’heure est à l’embonpoint.
Dès le mois de février 2021, Nicolas de Tavernost, l’inamovible PDG de M6 et futur patron de l’ensemble, avait sonné le tocsin. Si les petits français ne grossissent pas, ils vont se faire laminer, expliquait-il en substance. La menace est réelle. Dix ans à peine après son arrivée dans l’Hexagone, Netflix a conquis presque un quart des Français, 19 % selon Médiamétrie, Amazon et Disney plus de cinq millions chacun. Leurs moyens financiers sont colossaux. La valorisation boursière de Netflix, plus de 200 milliards de dollars, est quarante fois plus importante que celle de TF1 et M6 combinés. Ce qui lui permet d’investir plus de 15 milliards de dollars chaque année dans ses contenus (19 milliards en 2021). Disney ou Amazon ne sont pas en reste. Pour rattraper son retard, ce dernier est actuellement en négociation pour racheter le catalogue de MGM, le producteur des James Bond.
Mobilisation générale
Sur la planète télévision, la mobilisation générale est décrétée. Ce lundi 17 mai, le géant des télécommunications ATT a annoncé la fusion de sa filiale Time Warner avec son concurrent Discovery. Il peut compter sur sa filiale HBO, la chaîne de télévision payante, créatrice de Game of Thrones, et sur le considérable catalogue des studios Warner. Le nouveau groupe prévoit lui aussi d’investir près de 20 milliards dans le contenu. Le catalogue, c’est également ce qui explique le succès spectaculaire de la plate-forme de Disney, qui a conquis 100 millions d’abonnés en moins de deux ans. L’hégémonie mondiale de Hollywood se transfère désormais du grand écran au petit. Netflix a réussi ce qu’aucun groupe de télévision américain n’avait accompli durablement, conquérir la planète.
Face à ce tsunami, Nicolas de Tavernost endosse son habit de pourfendeur des réglementations françaises, celles qui limitent le nombre de chaînes par groupe et qui obligent à financer le cinéma français. La question de la concurrence sera le principal obstacle pour réussir la fusion. Depuis plus de vingt ans, le patron de M6 s’insurge contre un système qui a préféré multiplier les acteurs plutôt que de faire émerger des champions. Il oublie que cette même réglementation a sauvé le cinéma français du sort de ses voisins européens face au rouleau compresseur américain, et que détenir avec TF1 les trois quarts du marché de la publicité télé en France n’est pas le signe d’une fragmentation excessive de l’offre.
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