« Wow ! ». Les deux journalistes américains spécialistes du secteur technologique Geoffrey A. Fowler et Mike Swift ont eu, sur Twitter, la même réaction de surprise à l’annonce de la nomination de Lina Khan comme présidente de la Federal Trade Commission (FTC). Personne ne s’attendait à ce que cette critique du pouvoir des géants du numérique soit propulsée, mardi 15 juin, à la tête du gendarme américain de la concurrence, seulement quelques heures après avoir été confirmée comme simple membre par un vote bipartisan du Sénat (69 pour 28 contre).
Le choc qu’a suscité le choix de Lina Khan par le président des Etats-Unis, Joe Biden, tient en partie à son profil. A seulement 32 ans, cette femme devient la plus jeune présidente de l’institution. Les médias américains notent aussi qu’elle est née à Londres de parents pakistanais, avant d’émigrer aux Etats-Unis à l’âge de 11 ans.
Toutefois, c’est surtout la ligne politique défendue par Mme Khan qui donne un écho exceptionnel à sa promotion : cette professeure de droit à l’université de Columbia (New York) est une figure de proue des opposants aux « monopoles » des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon). En 2017, alors qu’elle était encore étudiante, elle a, dans un article titré « Le paradoxe antitrust d’Amazon », prôné un changement d’orientation de la politique des Etats-Unis en la matière, jugée, depuis la fin des années 1970, trop conciliante avec les grands groupes, au nom du bien-être du consommateur.
Depuis, Lina Khan a été directrice juridique du cercle de réflexion Open Markets (qui milite contre les monopoles), conseillère du membre démocrate de la FTC Rohit Chopra et cheville ouvrière de la rédaction d’un rapport parlementaire très virulent des représentants démocrates prônant de légiférer contre les GAFA, voire de les démanteler.
Réactions hostiles
« Lina sera une championne sans peur au service des consommateurs », s’est félicitée la sénatrice du Massachusetts, Elizabeth Warren, inspirée par le travail de Mme Khan lors de sa campagne pour l’investiture démocrate, au cours de laquelle elle avait promis de « casser » les GAFA. « Lina a la capacité de transformer la politique économique américaine », s’est enthousiasmé Barry Lynn, le fondateur d’Open Markets, cité par le New York Times.
Du côté des industriels du Web, cette nomination a provoqué des réactions hostiles : « Mme Khan a bien mené sa barque pour persuader la gauche américaine de la nécessité de réformer les lois antitrust, mais la FTC doit appliquer ces textes comme ils sont, pas comme elle rêverait qu’ils soient », a critiqué NetChoice, un groupe de pression auquel appartiennent Google, Amazon ou Facebook. La nouvelle présidente de la FTC incarne « le populisme antitrust » qui risque d’abîmer les géants américains au profit de « rivaux étrangers moins performants », a renchéri l’Information Technology and Information Foundation, un laboratoire d’idées cofinancé par les géants de la tech.
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