« Victimes, on vous croit. » Il est à peine 8 heures, mercredi 12 mai, et la petite phrase est reprise en boucle par la centaine d’adolescents massés devant le collège Roland-Dorgelès, dans le 18e arrondissement de Paris. Sur les pancartes brandies à l’entrée de cet établissement du Nord parisien, s’affichent les hashtags #balancetonporc et #metoo, et deux mots qui reviennent aussi dans les témoignages des jeunes attroupés : « la honte ».
Quarante-huit heures plus tôt, les enseignants avaient débrayé afin de soutenir l’un des leurs, un professeur d’éducation physique visé par deux enquêtes préliminaires et suspendu depuis janvier. Un soutien que les jeunes à l’initiative du blocage ne comprennent pas : « Ça fait longtemps qu’on sait, souffle Zoé (les prénoms ont été modifiés), 16 ans. Il était temps que ça sorte et que la honte change de camp. »
A ses côtés, cinq de ses camarades, des « anciennes » – comme elle – du collège Dorgelès, opinent. Toutes ont côtoyé, à un moment ou à un autre de leur scolarité, « ce prof d’EPS ». Toutes font état d’un « malaise à son contact ».
L’une d’elles se souvient du « regard appuyé sur [ses] seins, lorsqu’il [lui] parlait ». Elles ont aussi eu vent de « gestes déplacés », mains sur les hanches ou mains aux fesses en cours de gymnastique, ou de « visites » dans les vestiaires, sans en avoir fait « personnellement les frais ». « Alors la plainte qui a été déposée contre lui, ça ne nous étonne pas, reprend Zoé. Au contraire, ça montre bien qu’on n’a rien inventé ! »
Des faits « répétés pendant plus de dix ans »
Deux enquêtes préliminaires ont été ouvertes contre l’enseignant. Comme le confirme au Monde le parquet de Paris, la première est actuellement menée par le service de l’accueil et de l’investigation de proximité du 18e arrondissement. Elle a été diligentée après le dépôt de plainte par un élève, en septembre 2019, pour « harcèlement moral ».
La seconde a été ouverte « du chef d’agression sexuelle sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité », et fait suite à un signalement sur la plate-forme 119 déposé en décembre 2020 par une élève. Les investigations ont été confiées à la brigade de protection des mineurs et, selon nos informations, le professeur a été entendu par la police. Aucun délit n’a été caractérisé à ce stade. La collégienne, elle, ne va plus en cours.
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