C’est un Euro qui, comme Ulysse, aura fait de beaux voyages. Trop, probablement, et les craintes étaient justifiées quant à ces périples de Londres à Bakou, de Copenhague à Séville, tout au bout d’une saison singulière et épuisante.
La compétition partait avec d’autres handicaps. Le plateau élargi à 24 participants en 2016 implique une phase de groupes qui n’élimine que huit d’entre eux et dilue l’enjeu sportif, ou le réduit à des calculs fastidieux sur les « meilleurs troisièmes » ou la distribution du tableau final.
L’éparpillement dans onze villes de ce tournoi voulu paneuropéen par Michel Platini, outre les longs déplacements imposés aux équipes et aux supporteurs, compromettait aussi l’aspect festif propre à la concentration dans un seul pays des supporteurs et de leur joyeux folklore, comme en France il y a cinq ans.
Avec la pandémie, la mauvaise idée était devenue pire, l’Euro offrant aux épidémiologistes un terrain d’étude de la contagion dont ils se seraient passés. Au moins le retour – partiel mais réjouissant – du public dans les tribunes a-t-il permis de renouer avec une certaine normalité, celle d’un sport qui n’est plus grand-chose dans des stades vides.
Les joies de l’incertitude
Les conditions étaient donc réunies pour que cet Euro au millésime incertain entérine la crise d’un football de sélections dévalué et marginalisé par l’hégémonie du football de clubs, et prenne des teintes crépusculaires avant une Coupe du monde 2022 au Qatar déjà placée sous un jour peu flatteur.
Et puis la magie des phases finales a opéré. Certes, les blessures en série et les méformes de joueurs exténués ont rappelé que les calendriers de l’élite européenne doivent être profondément réformés. Mais tous ces impondérables ont probablement rendu au football cette incertitude qui lui convient si bien et qui lui manque tant.
Comme souvent, beaucoup de stars n’ont pas suffisamment brillé, de Kylian Mbappé à Cristiano Ronaldo. Celles qui ont évolué au niveau attendu, Luka Modric ou Paul Pogba, n’ont pas suffi à sauver leurs équipes. Le dernier mot est revenu aux équipes, justement, celles qui font corps et celles qui ont un projet de jeu – une performance dans les conditions actuelles de préparation des sélections.
En dépit des inévitables coups du destin et de quelques biais (matchs joués à domicile pour plusieurs sélections, différences de jours de repos et de longueur des déplacements), l’Euro a récompensé diverses variétés de mérite : les idées de l’Espagne et de l’Italie, la force collective de la Suisse ou du Danemark, la flamme de l’Angleterre…
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