« La vie, en réalité, est une rue à sens unique », déclara l’imprévisible Agatha Christie, dont l’étrange et rocambolesque histoire ressemble à celle de ses héros. Le troisième opus de la collection du Monde « Femmes d’exception » éclaire le parcours de cette figure de renommée planétaire qui fut tour à tour infirmière, chimiste, globe-trotteuse, surfeuse, archéologue… et sacrée « reine du crime ».
Femme et héroïne
Dans sa riche expérience personnelle et affective, dans ses jugements radicaux et son inextinguible soif de liberté, Agatha Christie a puisé l’élan et le rythme de ses intrigues, la densité de ses personnages. Indépendante, curieuse de tout, observatrice et armée d’une opiniâtreté à toute épreuve, elle incarne à la fois une femme et une héroïne. Car ses parents aisés, lettrés, aimants et fantasques lui ont offert un choix précieux, la laissant, enfant, courir dans les bois, se former en autodidacte à la lecture et au piano, sans école ni précepteur.
Dès l’âge de 16 ans, ses premiers voyages en France et en Egypte affûtent son assurance, son sens de la repartie et son humour so British dans les milieux mondains et les bals de la haute société victorienne. Désargentée mais pleine d’esprit, Agatha Miller observe et séduit, comme si chaque expérience vécue lui ouvrait un nouveau chapitre à écrire. Fervente admiratrice de Sherlock Holmes de Conan Doyle et d’Arsène Lupin de Gaston Leroux – dont sa sœur, qui se destinait à la littérature, lui a fait découvrir Le Mystère de la chambre jaune –, l’auteure en herbe mettra longtemps avant de convaincre son premier éditeur.
Apparition d’Hercule Poirot
Pour l’heure, la Grande Guerre, les soins aux blessés et l’amour d’Archibald Christie, aviateur, s’imposent dans sa vie. Mariée à la hâte en bousculant les convenances, elle donnera naissance à sa fille, Rosalind, puis à son premier succès, La Mystérieuse affaire de Styles, où Hercule Poirot fait son apparition. Ici, vie et écriture ne sont qu’une et la même énergie pousse Agatha et Archibald à arpenter le monde, accompagnant la luxueuse mission pour l’exposition de l’Empire britannique. Mais bientôt, tout bascule.
En 1926, le couple se désunit. Agatha est affectée par la mort de sa mère alors qu’elle connaît, avec Le Meurtre de Roger Ackroyd, son premier grand succès de librairie. A l’image d’un personnage de roman, elle disparaît plusieurs jours, créant autour de sa personne une hystérie médiatique. Une vie s’achève, une autre s’annonce ? Sa liberté prend corps dans ses voyages. D’Europe en Asie, elle s’aventure aux sources des grandes civilisations et se lie avec l’archéologue Max Mallowan, qu’elle épouse.
Dès lors, celle qui sera nommée par la Couronne Dame de l’Empire britannique, qui enchaîne succès et fouilles, est devenue un maître du suspens. La radio et le théâtre célèbrent son œuvre (La Souricière restera soixante ans à l’affiche). Et comme achevant un périple où vraie vie et fiction se confondent, Agatha Christie rendra mortel son célèbre Hercule Poirot un an avant qu’elle-même ne s’éteigne, laissant une œuvre et une plume trempées au crime, au mythe et aux finesses du mystère.
Agatha Christie, volume 3, Le Monde, collection « Femmes d’exception », 9,99 €. En kiosque.
Contribuer
Réutiliser ce contenu