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« L’écriture “inclusive”, empreinte d’une louable intention, est une fâcheuse erreur »

Le linguiste Bernard Cerquiglini estime que l’écriture « inclusive » ne correspond pas à une féminisation de la langue française, et que son usage et son extension promettent de se révéler socialement excluants.

Publié le 19 avril 2021 à 15h10, modifié le 20 avril 2021 à 17h42 Temps de Lecture 4 min.

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Tribune. On promeut d’ordinaire l’écriture « inclusive » en affirmant qu’elle prolonge une lutte récemment victorieuse : la féminisation des noms de métier. Comme cette dernière, elle contribuerait à la nécessaire présentation égalitaire des femmes et des hommes dans les énoncés, obtenue par un progrès de la langue. Leur différence profonde montre cependant combien l’écriture « inclusive », empreinte d’une louable intention, est une fâcheuse erreur.

La féminisation concerne une personne singulière. Le sexe de Mme Martin, traduit par le genre grammatical, détermine la forme féminine, aisément construite, de la profession qu’elle exerce. Durant des siècles, Mme Martin était boutonnière, estuveresse, marchande, comme elle fut écrivaine ou ambassadrice jusqu’au XVIIIe siècle.

Les professions ou fonctions « éminentes » ayant été fermées aux femmes, les formes féminines tombèrent en désuétude ou reçurent un emploi conjugal. Le mot « ambassadrice » est défini par la première édition (1694) du dictionnaire de l’Académie française comme « dame envoyée en ambassade » ; par la deuxième (1718) comme « la femme d’un ambassadeur ».

Quand les femmes obtinrent (tardivement) l’accès à ces professions, le féminin étant conjugalisé, on eut d’abord recours au masculin, au risque du barbarisme (« Mme l’ambassadeur » ; « L’ambassadeur est sortie ») ou de l’incongruité (« L’ambassadeur est enceinte »).

Des cas où expliciter la mixité est inutile voire inconvenant

En deux générations (tout de même ; et les polémiques furent violentes), l’affaire était réglée : le mouvement de féminisation, issu du Québec, était généralisé, le féminin devenu la norme pour des professions et fonctions occupées par des femmes (« L’ambassadrice représente son pays »), l’Académie française enfin convaincue, la langue rendue à son libre fonctionnement.

Cette lutte féministe avait servi et illustré la langue française. Tout autre est la question du pluriel. Quand un groupe humain est fait de femmes et d’hommes, il n’est point nécessaire, en général, d’en signaler la composition sexuelle : « Les Hollandais surveillent leurs digues » vaut pour toutes les personnes habitant les Pays-Bas.

Dans ce cas, expliciter la mixité est inutile, surprenant, voire inconvenant : « Les Hollandais et les Hollandaises surveillent leurs digues » laisse entendre que ce soin féminin n’était pas attendu. Que l’expression de la mixité soit requise ou souhaitée est à l’appréciation du locuteur (« Les Hollandais et les Hollandaises sont des adeptes de la musculation et partagent les tâches domestiques ») ; elle s’exprime avec les moyens de la langue, principalement par réduplication.

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