Editorial du « Monde ». A la fois source d’innovation et d’émerveillement, en raison de l’esprit de conquête qu’il porte, le spatial connaît un incontestable regain d’engouement. En témoigne la furia médiatique autour du second vol de l’astronaute français Thomas Pesquet, parti vendredi 23 avril pour la Station spatiale internationale en compagnie de trois collègues. L’enthousiasme du public se manifeste aussi pour d’autres événements : les aventures martiennes du rover américain Perseverance et de son acolyte volant Ingenuity, le programme Artemis des Etats-Unis, qui vise à réenvoyer des humains sur la Lune – dont la première femme et la première personne non blanche –, ou encore les essais spectaculaires du Starship. Cette nouvelle fusée de SpaceX a beau s’être écrasée quatre fois à l’atterrissage en autant de vols d’essai, les fans de plus en plus nombreux de la société américaine et de son patron, Elon Musk, font preuve d’une exaltation que rien n’entame.
Cet entichement ravivé pour un domaine spatial qui faisait moins rêver il y a quelques années, notamment après la destruction en vol de la navette Columbia en 2003, ne concerne pas que le grand public. Pour les Etats comme pour les nouveaux venus du privé – les acteurs du « New Space » –, l’espace a retrouvé un puissant attrait en (re) devenant pour les premiers un terrain d’influence stratégique et, pour les seconds, une potentielle source de profits. Les Etats-Unis et la France ont tous deux récemment créé un commandement militaire de l’espace, car une bonne partie des conflits actuels et futurs se mènent et se mèneront par le biais des satellites et grâce à leurs « yeux ».
Prestige et propagande
Pour certains pays, le ciel constitue aussi un magnifique instrument de prestige et de propagande. Ainsi, les Etats-Unis veulent-ils renouveler leur leadership avec le programme Artemis, dans lequel ils embarquent leurs alliés naturels (Europe, Japon, Canada). Ainsi, Pékin entend-il célébrer le centième anniversaire de la naissance du Parti communiste chinois en posant son premier rover sur Mars et en construisant, dès cette année, sa propre station orbitale. Ainsi, les Emirats arabes unis ont-ils, il y a deux mois, mis en orbite leur première sonde martienne pour fêter leur demi-siècle d’existence.
Pour les acteurs économiques, qui ne se paient pas de symboles, l’espace est porteur de promesses rentables. Comme le confiait au Monde il y a quelques jours Philippe Baptiste, le nouveau président du Centre national d’études spatiales (CNES), « le secteur a un impact économique majeur, avec un gros effet de levier, et la part spatiale dans le PIB va exploser ». Le positionnement par satellites, qu’utilisent des milliards d’objets, à commencer par nos téléphones portables, a servi d’exemple.
Le nouveau pari s’appelle l’Internet par satellites, et les acteurs du New Space s’y précipitent comme dans une ruée vers l’or, à commencer par SpaceX, qui, avec sa constellation Starlink, a déjà pris une longueur d’avance. D’autres, comme OneWeb ou bien la constellation Kuiper, de Jeff Bezos, le patron d’Amazon, se lancent dans l’aventure.
A condition que ses responsables politiques décident et dessinent l’ambition spatiale commune qui lui fait encore défaut, l’Europe entrera aussi dans la danse. Pour avoir sa part de l’eldorado de la data et, sans doute aussi, pour ne pas laisser aux seuls acteurs privés la mainmise sur ce secteur stratégique qu’est l’Internet à haut débit venu de là-haut, de l’espace 2.0.
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