Tribune. Le Parlement européen est déterminé à imposer aux entreprises des obligations de surveillance planétaire qui ne manqueront pas de mettre un nombre non négligeable d’entre elles en difficulté. Il a adopté, en mars, une résolution assortie d’un projet de directive dont l’impact prévisible est considérable. Inspiré de la loi française de 2017 sur le devoir de vigilance, ce projet ne comporte plus aucune des limites posées par le Conseil constitutionnel pour éviter une extension déraisonnable de la responsabilité des entreprises concernées.
Rappelons que la loi de 2017 oblige les entreprises françaises d’une certaine taille à publier un « plan de vigilance » sur les mesures qu’elles prennent pour éviter toute atteinte grave aux droits humains, sociaux et environnementaux, de leur part, mais aussi de celle de leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants. Avant tout, le texte les rend responsables des dommages causés par n’importe quelle entité de leur chaîne de sous-traitance dès lors qu’un juge considérerait leur vigilance prise en défaut. Quand on sait que les groupes français font travailler des dizaines de milliers de fournisseurs et de sous-traitants aux quatre coins de la planète, de telles obligations peuvent parfois relever de la mission impossible.
Un système de cogestion avec des ONG
C’est la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel, dans sa décision sur la loi avait rappelé des principes élémentaires : il a estimé que la publication du plan de vigilance ne saurait contraindre les entreprises à rendre publique leur stratégie commerciale ou industrielle. Il a annulé la disposition totalement imprécise instituant une amende civile pour insuffisance du plan. Il a rappelé que la responsabilité d’une société ne peut être engagée que s’il existe un lien direct entre le dommage allégué et le manquement qui lui est reproché.
Dans le projet voté par le Parlement européen, ces principes sont dépassés. Ce que les députés socialistes (le Sénat ayant rejeté le texte en bloc) n’avaient pu obtenir dans la loi française, les associations et partis politiques qui l’ont inspirée l’obtiennent du Parlement européen.
Le projet du Parlement européen balaie en effet toutes les précautions reflétées dans la décision du Conseil constitutionnel. Ainsi, la responsabilité de l’entreprise pour manque de vigilance n’aurait plus à être prouvée. Elle serait présumée. Un système de cogestion serait instauré pour qu’à côté des organes de direction les « parties prenantes » – c’est-à-dire non seulement les syndicats, mais aussi les organisations non gouvernementales – aient leur mot à dire sur la stratégie de vigilance de l’entreprise.
Il vous reste 57.41% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.