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Affaire Sarah Halimi : « La question du discernement n’est pas une question clinique, mais philosophique et morale »

La confirmation de la Cour de cassation de l’irresponsabilité pénale du meurtrier de cette femme a relancé la controverse sur cette notion, dont la sociologue Caroline Protais retrace l’évolution dans un entretien au « Monde ».

Propos recueillis par 

Publié le 02 mai 2021 à 14h00, modifié le 06 février 2023 à 17h46

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Rassemblement pour demander le jugement de Kobili Traoré, le meurtrier de Sarah Halimi, déclaré irresponsable pénalement, le 25 avril à Paris.

La sociologue Caroline Protais est chercheuse associée au Cermes3 (CNRS-Inserm-EHESS) et autrice de Sous l’emprise de la folie ? L’expertise judiciaire face à la maladie mentale (1950-2009) (EHESS, 2016). Si les experts ont longtemps considéré l’irresponsabilité pénale comme automatique en cas de « démence », rappelle la spécialiste des liens entre la justice et le monde de la santé mentale, les non-lieux pour irresponsabilité pénale sont de plus en plus rares. Après la décision de la Cour de cassation dans l’affaire Sarah Halimi, qui a confirmé, mercredi 14 avril, que le discernement du meurtrier était « aboli » au moment des faits, elle a répondu aux questions du Monde.

A quand le principe d’irresponsabilité pénale remonte-t-il ?

La folie comme cause d’irresponsabilité est un principe humaniste qui date de l’origine de nos sociétés. On en trouve des traces dans le code babylonien d’Hammourabi (environ 1760 av. J.-C.), qui reconnaissait la folie comme un état venant abolir le libre arbitre. On le retrouve ensuite chez Platon (IVe-IIIe siècles av. J.-C.), puis dans l’Evangile selon Luc, « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Cette conception persiste de l’Antiquité jusqu’à la période moderne. L’article 64 du code pénal de 1810 énonce que la « démence » est une cause d’annulation de l’infraction. C’était tout ou rien. Et il y a eu, dès le début, des critiques au motif qu’il existe un ensemble d’états intermédiaires entre la responsabilité entière et l’irresponsabilité totale. A partir des années 1970, le code pénal entre en révision et la question est : comment rendre compte de cette responsabilité atténuée ?

Est-ce ainsi qu’est né l’article 122.1, qui introduit la notion d’altération du discernement ?

Oui, cet article énonce l’idée que la personne n’est pas pénalement responsable si elle était atteinte d’un trouble psychique ou neuropsychique qui a aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment de l’infraction. Mais elle demeure punissable si ceux-ci étaient seulement altérés. Aujourd’hui, ce qui divise les experts psychiatres est beaucoup moins l’existence du trouble psychique que la question de savoir s’il a aboli – ou altéré – le discernement et le contrôle des actes. Or, la question du discernement n’est pas une question clinique, c’est une question philosophique et morale. L’expert psychiatre appréhende aussi les choses avec ses valeurs.

Comment l’esprit de cette loi a-t-il été interprété à travers les époques ?

L’approche des experts a énormément changé depuis les années 1950. Il y a plus de soixante-dix ans, l’irresponsabilité pénale était peu remise en cause. Le raisonnement était simple : on met en évidence une psychose, la personne n’est pas considérée comme libre, elle n’est pas responsable de ses actes. Dans les années 1960, une mouvance de psychiatres dits « désaliénistes » considérait que l’irresponsabilité pénale était inhumaine et aliénante pour les patients. D’orientation psychanalytique, certains estimaient que le rappel de la loi était un préalable thérapeutique incontournable pour ces patients, et que la décision d’irresponsabilité était délétère à un niveau éthique et clinique.

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