Tribune. Les images des vignobles et des vergers dévastés par le gel ont envahi nos écrans il y a trois semaines. Pour soutenir les agriculteurs face à « la plus grande catastrophe agronomique de ce début du XXIe siècle », le gouvernement a annoncé la mise en place d’un fonds d’aide exceptionnel. Une telle solidarité nationale suscite a priori une large adhésion populaire mais, face à la montée des aléas climatiques, est-il pertinent d’attendre de l’Etat français qu’il intervienne, à chaque tragédie, tel un deus ex machina ? Nous ne le pensons pas.
Beaucoup de risques sont couverts aujourd’hui dans les économies développées par des systèmes d’assurance. Risque d’accident, risque de vol, risque de maladie… Or moins d’un tiers des agriculteurs français assurent leurs récoltes contre les aléas météorologiques, avec des chiffres particulièrement bas pour les horticulteurs et les viticulteurs, dont un sur cinq seulement dispose aujourd’hui d’une assurance pour faire face au gel, à la sécheresse ou autre tempête.
Les difficultés économiques d’une bonne partie de la profession sont indéniables. Il ne s’agit pas ici de les contester. Mais la manière dont l’Etat prodigue aujourd’hui son aide suscite ce que les économistes nomment un « dilemme du Samaritain ». Pourquoi un agriculteur assurerait-il ses récoltes s’il pense que la puissance publique a de grandes chances de venir à sa rescousse en cas de problème important ? L’assurance est en ce cas toujours trop chère, et le lobbying un meilleur investissement.
Plus de 85 % des agriculteurs américains sont assurés
Il serait possible d’articuler tout autrement mécanisme de solidarité et mécanisme d’assurance. Aux Etats-Unis, une agence fédérale publique, la Risk Management Agency (RMA), propose ainsi depuis 1996 une assurance de base aux agriculteurs. Celle-ci est distribuée par des compagnies d’assurance privées labellisées, qui supportent une part du risque et complètent cette offre publique par des propositions plus sophistiquées et coûteuses. Au total, plus de 85 % des agriculteurs américains sont ainsi assurés.
C’est notamment l’accès à des données extrêmement détaillées qui permet ce système d’assurance massif. Pour mener son action, l’agence fédérale d’assurance collabore en effet étroitement avec le ministère américain de l’agriculture (USDA), auquel elle est directement rattachée, et dispose d’informations très précises sur l’ensemble des parcelles agricoles, la texture des sols, les cultures pratiquées, les rendements, les conditions météorologiques… Cela lui permet d’évaluer au plus juste les primes d’assurance.
Il vous reste 50.63% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.