La revue des revues. Plan Biden aux Etats-Unis, Green New Deal en Europe, réapparition du « haut-commissaire au plan » en France… La réapparition de l’idée de « planification » de l’économie par la puissance publique, après quatre décennies de règne de la « loi du marché », a parfois quelques relents de nostalgie. Ce numéro de la revue L’Economie politique (éditée par Alternatives économiques) nous plonge au contraire dans une proposition d’avenir. Il vise à définir les contours de ce que serait une véritable politique économique pour les trente années à venir, entièrement tournée vers un seul objectif : mener à bien la décarbonation de l’économie, indispensable à la préservation de la planète. Une plongée passionnante dans ce que pourrait être un véritable programme politique progressiste, prenant acte de l’échec du modèle économique actuel et du cadre intellectuel qui l’a généré (ou qu’il a généré, au choix).
Certes le sommaire propose quelques pas de côté : historiques en s’intéressant au grand ancêtre, le fameux commissariat général du Plan, maître d’œuvre de la reconstruction d’après-guerre et de l’entrée de la France dans les « trente glorieuses » (Michel Margairaz), ou encore géographiques en décrivant les méandres de la planification économique chinoise (Alicia Garcia Herrero). Mais c’est pour mieux souligner les spécificités des conditions du bon (ou du mauvais) fonctionnement de ces épisodes particuliers, quand la donne actuelle est radicalement nouvelle et appelle des dispositifs nouveaux.
Mesurer l’ampleur de la tâche
Le lecteur en découvrira les différentes facettes en lisant l’article des économistes Michel Aglietta et Etienne Espagne (« L’“ardente obligation” de l’écologie politique ») qui décrit par le menu ce que devrait être une politique publique efficace et cohérente pour que l’objectif de neutralité carbone soit véritablement atteint en 2050. Tout aussi éclairant est l’entretien avec Benoît Leguet, membre du Haut Conseil pour le climat et directeur de l’Institut de l’économie pour le climat, qui décrypte les avancées et les manques de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) édictée en 2015 et censée diriger depuis toutes les politiques publiques, alors que, significativement, personne (ou pas grand monde) n’en a entendu parler…
Un autre entretien, avec l’économiste Jean Pisani-Ferry, professeur à Sciences-Po (et chroniqueur au Monde), permet de mesurer l’ampleur de la tâche à accomplir pour que les mentalités acceptent les changements majeurs nécessaires. Il en va de l’obligation de « remplacer la chaudière de chacun d’entre nous » à la reconversion des cohortes de travailleurs des industries de l’énergie, de l’automobile ou de l’aéronautique, en passant par la rupture des économistes avec les canons dominants de leur profession, selon lesquels tout pourrait se régler par le « signal prix » et l’Etat devrait rester neutre face aux choix technologiques.
Il vous reste 15.98% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.