Tribune. La Banque centrale européenne (BCE) n’avait pas changé sa stratégie de politique monétaire depuis 2003. Il y a un an et demi, elle avait annoncé son intention de la réviser. Les résultats devaient être communiqués à l’automne prochain mais, surprise, ils ont été publiés le 8 juillet.
Il ne fallait pas s’attendre à ce que l’objectif principal de la BCE change, puisque ce sont les traités européens qui le définissent. La BCE continuera de s’efforcer à préserver la stabilité des prix au sein de la zone euro. Elle avait plus de latitude, en revanche, quant à la cible qu’elle définit pour y parvenir. Le changement paraîtra infime au profane : la cible d’inflation antérieure était « inférieure à mais proche de 2 % » ; elle devient symétrique à « 2 % », en insistant sur l’horizon de moyen terme. Tout en déclarant que « les écarts positifs ou négatifs par rapport à l’objectif sont également indésirables », la BCE se donne en fait la possibilité de s’écarter de sa cible à la hausse comme à la baisse.
En clair, elle n’atteignait plus sa cible car sa capacité à influencer l’inflation est devenue faible et ses marges de manœuvre étroites dans un environnement qui, reconnaît-elle, a beaucoup changé. Avec cette nouvelle cible, elle ne l’atteindra pas davantage, mais protège au moins sa crédibilité…
Sa méthode de mesure de l’inflation par les prix à la consommation ne l’avait à vrai dire pas aidée car, ces dernières années, ce sont ceux de l’immobilier et des actifs financiers qui ont augmenté. La BCE veut donc rendre sa mesure plus pertinente en y incluant les coûts des logements occupés par leurs propriétaires, à partir des « loyers imputés » (l’équivalent du loyer que paierait le propriétaire du logement s’il en était le locataire). Captera-t-elle mieux l’évolution des prix de l’immobilier ? Fort peu, car c’est une façon très partielle de les faire entrer dans la mesure de l’inflation.
Le « non conventionnel » devient conventionnel !
La « révision stratégique » ne manifeste pas plus d’audace dans la liste des instruments de sa politique. La BCE voit toujours dans ses taux directeurs le principal levier d’action. Mais comme elle s’attend à buter souvent sur le plancher en dessous duquel elle ne pourra plus les baisser, elle admet devoir recourir aux mesures utilisées face à la crise financière hier, sanitaire aujourd’hui, à savoir le « guidage prospectif des anticipations » [la communication millimétrée de ses analyses et de ses prochaines décisions afin d’orienter les anticipations des marchés], le refinancement des banques à des conditions très accommodantes et les achats d’actifs. Le « non conventionnel » devient ainsi conventionnel !
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