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« Au Chili, le plurilinguisme de la présidente de l’Assemblée constituante brise un silence politique »

Elisa Loncon a commencé son premier discours en mapudungun, la langue du peuple mapuche. Bien plus que symbolique, cet acte permet de créer de nouveaux sujets politiques, estime la philosophe Aïcha Liviana Messina dans une tribune au « Monde ».

Publié le 27 juillet 2021 à 02h42, modifié le 27 juillet 2021 à 06h47 Temps de Lecture 4 min.

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Tribune. Le 4 juillet, Elisa Loncon est élue présidente de l’Assemblée constituante chilienne. Elle salue l’Assemblée en mapudungun, la langue parlée par le peuple mapuche, qui depuis des années lutte pour son autonomie politique. A chaque fois qu’Elisa Loncon commence une conversation ou un discours public, elle prend d’abord la parole en mapudungun avant de continuer en espagnol.

Parler une langue que seule une fraction minime de la population peut comprendre a un effet politique immédiat : c’est lorsqu’on ne comprend pas une langue qu’on commence par l’entendre. Ce qu’on entend du dehors, puisqu’on ne comprend pas, frappe nécessairement du dedans, puisque ce qui résonne c’est une langue exclue et dont on est privé. Cela, dès lors, a un effet politique sur le long terme car être privé d’une langue, c’est être privé des conditions nécessaires pour être un sujet – un sujet qui peut répondre d’une histoire, de soi, et ainsi se constituer en sujet de droit.

Ces mots, ces salutations, ces remerciements qu’Elisa Loncon prononce depuis des années en mapudungun, à la télé et à la radio, ont fini ainsi par agir. Aujourd’hui – et du jour où elle a été élue –, on ne parle plus seulement d’inclure un certain nombre de sièges pour les peuples originaires à l’Assemblée constituante, on parle aussi des multiples langues utilisées par les multiples populations qui font partie du Chili ; on parle aussi et surtout de la langue comme d’un droit fondamental.

Nous ne sommes donc pas dans une optique inclusive mais dans une optique refondatrice. En parlant plusieurs langues, Elisa Loncon ne cherche pas seulement à obtenir la reconnaissance des peuples originaires, celle-ci se faisant de fait dans la langue qui, jusque-là, les a ignorés ; elle nous rappelle que c’est par la langue que nous devenons un sujet et que l’on peut acquérir et constituer des droits.

S’en prendre au pilier du système politique

La proposition de changer de Constitution au Chili a été décidée en novembre 2019, un mois après le début du mouvement social qui a explosé à Santiago. L’« accord pour la paix et la nouvelle Constitution », tel qu’il a été baptisé, a été souscrit par divers partis et mouvements politiques, impuissants à offrir une réponse au mouvement social. Cette proposition a donc été une réponse à un mouvement qui s’en prenait au système politique dans son ensemble et ainsi, tacitement, à son pilier : la Constitution. Le mot d’ordre d’octobre 2019 était : « il ne s’agit pas de trente pesos mais de trente ans » suggérant que la cause de l’explosion sociale n’était pas l’augmentation du prix des transports publics mais les trente années de transition démocratique qui ont suivi la dictature de Pinochet (1973-1990).

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