Editorial du « Monde ». Il n’y aura pas, cette année, de trêve estivale. Confronté à la quatrième vague épidémique, l’exécutif veut éviter l’effet de relâchement qui s’était produit l’année dernière. Les conseils des ministres sont suspendus, comme il est d’usage, mais le gouvernement reste sur le qui-vive. Emmanuel Macron prend ses quartiers d’été à Brégançon (Var), mais un conseil de défense sanitaire est prévu mi-août pour faire le point. Depuis un an et demi, l’épidémie dicte l’agenda et soumet les acteurs politiques à sa loi. Difficile d’imaginer que la France élira un nouveau président de la République dans moins de neuf mois, tant le débat public est anesthésié par les rebondissements de la crise sanitaire.
A ce stade, trois impacts majeurs peuvent être détectés. Le premier porte sur le contenu des politiques menées et des réformes annoncées. Tout ce qui a pour effet de créer des tensions supplémentaires dans un pays fatigué et tendu est différé. Coup sur coup, le gouvernement a repoussé la réforme des retraites, qu’il envisageait de reprendre sous une forme nouvelle, et celle d’EDF, qui faisait l’objet de discussions tendues avec Bruxelles, sous le regard hostile des syndicats. Dans l’immédiat, la priorité est donnée à la protection des Français. A la rentrée de septembre, l’accent sera mis sur la réindustrialisation du pays, à travers le lancement d’un nouveau plan d’investissements. Son montant sera sans doute contesté, pas son inspiration : la reconquête de la souveraineté est un thème éminemment consensuel.
Une nouvelle catégorie de contestataires
Le deuxième effet concerne l’opposition, obligée de composer entre sa volonté d’en découdre et l’état d’esprit des Français, peu disposés aux joutes politiciennes. Ce qu’il se passe à droite est symptomatique du climat ambiant. Dans la foulée des élections régionales, trois prétendants déclarés à la présidentielle, Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et Philippe Juvin, tentent de se démarquer en soulignant les failles d’Emmanuel Macron et de son gouvernement. Cependant, lorsque la majorité sénatoriale de droite a dû se prononcer, la semaine dernière, sur la vaccination obligatoire des soignants et l’extension du passe sanitaire, elle a choisi d’être constructive, parce qu’elle était consciente qu’une opposition frontale, en pleine reprise de l’épidémie, ne serait pas comprise.
Le troisième effet a trait à la contestation de rue, récurrente sous le quinquennat Macron. Les fortes pressions vaccinales exercées par le président pour tenter d’atteindre l’immunité collective ont eu pour effet de créer une nouvelle catégorie de contestataires : les antivax, qui appelaient à de nouveaux défilés, samedi 31 juillet, en dénonçant une prétendue « dictature sanitaire ». La crainte de voir ressurgir la violence, le risque d’une possible jonction avec ce qu’il reste du mouvement des « gilets jaunes » ont poussé Emmanuel Macron à durcir le ton très tôt. Cette fois, en effet, le chef de l’Etat peut s’appuyer sur une majorité silencieuse acquise au vaccin. Pour La France insoumise comme pour le Rassemblement national, relayer cette contestation est tentant, mais pas forcément payant, dans la mesure où le mouvement est beaucoup moins compris que les précédentes protestations.
Tout se passe comme si, devant la gravité de la situation, un minimum d’unité politique était requis, à l’instar de ce qui s’était produit lors de la sortie de la seconde guerre mondiale. Certes, on est très loin de l’esprit du Conseil national de la résistance, mais force est de constater que la plupart des décisions économiques et sociales prises depuis un an et demi sont peu sujettes à débat. Tout le monde, à commencer par l’exécutif, a dû y mettre du sien.
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