Tribune. Les vacances estivales ont commencé, et nous avons en tête que flotte pour les enfants un sentiment d’insouciance salvatrice. Nous espérons tous que l’été apaisera les frustrations et les souffrances des enfants dues à la pandémie de Covid-19. Pourtant, vu des portes de l’hôpital Robert-Debré, situé dans le nord-est de Paris, la situation ne s’améliore pas.
Depuis septembre 2020, nous accueillons deux fois plus d’enfants pour des urgences psychiatriques. Certains sont déprimés, anxieux, amaigris, sans sommeil, et d’autres, plus gravement, attentent à leur vie. Chaque mois, nous observons deux à trois fois plus d’enfants de moins de 16 ans qui tentent de se suicider, en comparaison à la même période sur les dix années précédentes.
Depuis le début de la pandémie, mars aura été le mois le plus difficile. Les recours aux urgences n’ont pas faibli en mai ou juin, et les premiers jours de juillet sont de mauvais augure.
La politique courageuse de la France pour limiter la fermeture des écoles n’aura pas suffi. Les inégalités sociales fortes dont souffre le nord-est de l’Ile-de-France expliquent en partie cette situation préoccupante. Selon l’Observatoire des inégalités, 67 % des familles les plus modestes ne partent pas en vacances, en raison de moyens financiers suffisants.
Des voix s’élèvent dans le monde – comme Devora Kestel, directrice du département santé mentale à l’Organisation mondiale de la santé – pour engager les acteurs politiques à lancer un plan Marshall en faveur de la santé mentale de l’enfant. Le « Building Back Better » [« reconstruire mieux », plan d’investissement pour moderniser les Etats-Unis] est une nécessité s’imposant face à la souffrance psychique d’une génération d’enfants constatée chaque jour. Investir dans l’enfance risque cependant d’être contraint par les difficultés économiques et l’appauvrissement des Etats au sortir de la crise, imposant des arbitrages financiers où la souffrance des enfants n’apparaîtra pas comme une priorité.
Sensibiliser les parents
Certains pays ont déjà proposé des actions multiniveaux pour améliorer le bien-être des enfants, limiter l’émergence des troubles psychiatriques et prévenir le risque suicidaire dans ces populations à risque. Développer une politique de prévention est une priorité majeure.
Dans l’urgence, il paraît important de faire émerger toutes les stratégies qui favoriseraient l’adaptation au stress de l’enfant, renforceraient les liens avec les pairs et la famille, et accroîtraient les compétences parentales permettant de soutenir leur enfant dans la crise. Par exemple, en sensibilisant les parents à la reconnaissance des situations ou des symptômes associés à un risque suicidaire élevé. Ou encore en sensibilisant le corps enseignant à la promotion de la santé émotionnelle et du bien-être de leurs élèves, comme proposé en Angleterre en février. Une place particulière était faite pour aider les élèves à croire en leurs capacités, développer leur indépendance, exprimer leurs opinions ou renforcer leurs compétences sociales.
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