Editorial du « Monde ». Publié au Journal officiel mercredi 11 août, le décret instaurant le contrôle technique des deux-roues motorisés à partir de 2023 a été « suspendu jusqu’à nouvel ordre » dès le lendemain, à la demande du président de la République. Fait du prince, mauvais signal à l’heure où la défense de l’environnement devrait être résolument mise en avant, cette reculade est inquiétante tant dans sa forme que sur le fond.
Elle interroge à la fois le mode de fonctionnement du pouvoir exécutif et la crédibilité du président Macron dans la lutte pour la sécurité routière, la qualité de l’air et contre les nuisances sonores. « Après avoir découvert cette mesure, le président de la République a décidé que ce n’était pas le moment d’embêter les Français », a justifié un conseiller du gouvernement.
La généralisation aux motos et aux scooters du contrôle technique résulte d’une directive européenne de 2014 que la France est l’un des rares pays de l’UE à n’avoir pas encore mise en œuvre. Elle se justifie par le fait que la mortalité des motocyclistes – vingt-deux fois plus élevée que chez les automobilistes à kilométrage identique – diminue au rythme le plus lent de tous les usagers de la route. Et que le débridage des moteurs augmente le risque d’accidents, en particulier pour les plus jeunes. Sans parler du bruit : un deux-roues traversant nuitamment Paris avec un pot d’échappement « rectifié » peut réveiller 11 000 personnes, selon l’association Bruitparif, contre 350 s’il est homologué.
Risque de contestation
La Fédération française des motards en colère, quant à elle, conteste l’étude de l’UE qui évalue à 8 % la part des accidents de moto causés par des défaillances techniques, dénonce le lobby des centres de contrôle technique et considère le contrôle comme « un vrai racket ».
Face à ce risque de contestation, alors que la multiplication des signes de décrochage démocratique exige d’impliquer et de responsabiliser les citoyens, Emmanuel Macron confirme sa pratique verticale et personnelle du pouvoir. Son message assimilant le contrôle technique à une manière d’« embêter les Français » relève de la démagogie. Quant à son refus d’appliquer une directive de l’UE, elle étonne de la part d’un président proeuropéen. Il est vrai que la mesure a fait reculer les gouvernements précédents, en particulier celui de Manuel Valls, qui en avait annoncé la mise en œuvre en 2015.
Certes, l’exécutif affronte le mécontentement des opposants à la généralisation du passe sanitaire, mesure justifiée par la nécessité de combattre la pandémie de Covid-19, et l’on peut comprendre son souci d’éviter une multiplication des fronts de contestation. Pourtant, à l’approche de la campagne présidentielle, l’injustifiable recul sur le contrôle technique est de mauvais augure : il reflète un manque de sang-froid et une propension à céder aux plus bruyants.
Surtout, il ne laisse pas d’inquiéter sur la capacité des responsables politiques à préparer les Français aux mutations profondes, tant dans l’emploi que dans les modes de vie et de consommation, que nécessite impérieusement la lutte contre le réchauffement climatique. Comment un dirigeant qui capitule devant le lobby des motards pourrait-il convaincre les automobilistes d’abandonner les moteurs thermiques ou de se reporter sur les transports en commun ?
Pour être à la hauteur des risques climatiques majeurs des années qui viennent, nos démocraties auront besoin de responsables crédibles dans leur capacité à faire œuvre de pédagogie et de courage politique afin d’accélérer la décarbonation de nos sociétés. Précisément l’inverse de ce que le président de la République vient de faire.
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