Tribune. Contrairement à d’autres pays, notamment aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et au Japon, qui ont préservé leur souveraineté monétaire, les pays de la zone euro l’ont perdue au profit de la Banque centrale européenne (BCE), dont l’indépendance tant vantée s’oppose à une gestion démocratique et transparente des économies.
Alors que le rôle des banques centrales ne cesse de croître, aucun de ces pays ne dispose désormais d’une banque centrale émettrice de sa monnaie. Par crainte de voir des Etats membres se livrer à des créations monétaires inflationnistes, les fondateurs de la zone euro ont privilégié l’indépendance de la BCE au détriment de toute autre considération. Ce faisant, ils ne paraissent pas avoir compris la signification de l’indépendance d’une banque centrale.
En général, les lois définissent les règles de fonctionnement d’une banque centrale. La Réserve fédérale des Etats-Unis (FED) et la Banque d’Angleterre sont indépendantes en ce sens que leurs dirigeants déterminent les instruments qu’ils appliquent au service d’une politique monétaire décidée par le gouvernement et le parlement.
Un corset juridique
Dans l’Union européenne (UE), l’introduction de règles de gestion dans les traités fondateurs a enfermé le système monétaire européen dans un corset juridique s’inspirant d’une orthodoxie éminemment discutable. De plus, alors que les autres banques centrales participent à l’action des pouvoirs publics d’un Etat unique, qu’il soit fédéral ou unitaire, la BCE, elle, est la banque centrale de 19 Etats, qui connaissent des situations foncièrement différentes et n’ont pas les mêmes objectifs.
Dans ce contexte, trois stratégies étaient envisageables. La première consistait à suivre les normes établies par les traités européens. La deuxième, à contourner ces normes sans les modifier dans les textes. La troisième passerait par l’institution d’un gouvernement économique européen qui définirait de nouvelles normes.
La première a été suivie par la BCE à l’époque où elle était dirigée par Wim Duisenberg (1998-2003), puis Jean-Claude Trichet (2003-2011). Elle consistait à suivre à tout prix l’orthodoxie inspirant les traités, quitte à condamner à la crise les pays européens, en particulier les moins puissants comme la Grèce et l’Italie.
La deuxième stratégie a été employée par Mario Draghi. Il l’a définie lors d’un discours prononcé à Londres le 26 juillet 2012 : « quoi qu’il en coûte ». Cette formule a été le leitmotiv de la politique de la BCE sous sa présidence, bien avant qu’Emmanuel Macron ne la reprenne à son compte. Il a ainsi annoncé en 2015 un programme illimité de rachat de dette des pays de la zone euro ayant du mal à se financer sur les marchés.
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