Tribune. Douze sous-marins devaient être conçus puis livrés à l’Australie pour un montant de 56 milliards d’euros. Le contrat avait été remporté en avril 2016 et signé en février 2019 par Naval Group après de longues années de négociation. Sur la base d’un programme défini dès 2009, il comprenait la construction de sous-marins s’appuyant sur des savoir-faire français, le transfert de technologies à l’Australie et l’appui à la construction d’une nouvelle base industrielle en Australie, dont un chantier naval à Adélaïde.
Il ne s’agissait pas seulement de délivrer un produit aussi complexe soit-il. Depuis 2016, de nombreuses ressources avaient été engagées par Naval Group et ses sous-traitants, en France comme en Australie. Des entreprises australiennes ont été acquises, des coentreprises franco-australiennes ont été créées. Plusieurs centaines de futurs fournisseurs qualifiés ont été identifiés.
De nombreuses heures de travail ont été engagées par leur client pour définir ce que seraient ces sous-marins mais aussi pour développer les infrastructures australiennes qui devaient permettre de les construire, en Australie, puis de les maintenir en condition opérationnelle. Depuis la signature, le montant global avait gonflé de plus de 50 % du fait de dépassements des coûts et d’effets de change, et il y avait des risques de voir le calendrier déraper.
Des connaissances et des informations déjà transmises
Toutefois, il n’y avait pas de signes clairs de risques d’arrêt. Et même si le contrat l’envisageait, la rupture est arrivée brutalement. La raison de celle-ci n’est ni le coût ni les délais mais un « changement de besoin » d’après le premier ministre australien, Scott Morrison.
Depuis, en France comme en Europe, l’indignation prévaut. Cette rupture a été jugée inacceptable par la présidente de la Commission européenne. Elle est une trahison pour l’ambassadeur de France en Australie. Ce sont les questions géostratégiques et politiques qui sont mises en lumière.
Quand la presse australienne évalue les compensations financières qui devront être versées à 250 millions d’euros, tous oublient également les connaissances et informations qui ont été transmises et la valeur des liens qui ont été créés en France comme en Australie. Un écosystème potentiellement allié et désormais concurrent a été mis en place. Il n’est pas possible d’estimer la valeur de ce capital immatériel développé et transmis.
Pas une situation inédite
Si l’ampleur des montants en jeu est exceptionnelle, cette situation n’est pourtant pas inédite dans le monde des affaires. Ce type de comportements se joue tous les jours à des degrés bien moindres mais dont l’impact est parfois plus important encore à l’échelle de ceux qui les subissent. En France, le désengagement unilatéral d’un client dans une relation établie est un problème que connaissent de nombreux fournisseurs.
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