Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Emmanuel Macron doit reconnaître le massacre du 17 octobre 1961

Un acte manque encore pour dépasser les traumatismes liés à la plus grande répression contre une manifestation en Europe depuis 1945 : la reconnaissance officielle par l’Etat de sa responsabilité, de celle des hauts dirigeants et de la police de l’époque, dans la tuerie de manifestants algériens.

Publié le 15 octobre 2021 à 11h30 Temps de Lecture 2 min.

Editorial. A première vue, la répression du 17 octobre 1961 au cours de laquelle la police parisienne se livra à un massacre contre ceux que l’on appelait alors les « Français musulmans d’Algérie » est une affaire classée. Il a fallu vingt ans pour que la France commence à sortir de l’amnésie sur la plus grande répression contre une manifestation en Europe depuis 1945. Puis deux autres décennies ont été nécessaires pour que la réalité de l’événement – une rafle en plein Paris visant 12 000 personnes ; des tabassages de masse ; des morts, au moins cent vingt, dont certains tués par balles et jetés à la Seine – soit établie et qu’une plaque commémorative soit scellée sur le pont Saint-Michel, à l’initiative du maire de Paris.

Aujourd’hui, grâce à des livres, à des articles, à des films, personne ne peut ignorer cette page sombre de l’histoire de France, au cours de laquelle une violence coloniale s’est exercée sous le regard largement indifférent des Parisiens. Les faits ont été établis par des historiens et replacés dans leur contexte, celui d’une quasi-guerre civile, attisée par l’approche de l’indépendance de l’Algérie, et d’une série de meurtres de policiers par les indépendantistes du FLN.

Pourtant, un acte manque encore pour dépasser les traumatismes vécus par les survivants du massacre et transmis à leurs descendants, dont beaucoup sont aujourd’hui des citoyens français : la reconnaissance officielle par l’Etat de sa responsabilité, de celle des hauts dirigeants et de la police de l’époque.

Emmanuel Macron, qui entend porter un « regard lucide sur les blessures de notre passé », s’est engagé davantage que ses prédécesseurs dans cette tâche de salubrité publique. Il a reconnu que les militants indépendantistes Maurice Audin et Ali Boumendjel avaient été exécutés par l’armée française. Il a reconnu l’abandon par l’Etat des harkis, à qui il a demandé « pardon ».

Gestes et des paroles fortes attendus

A l’occasion du soixantième anniversaire du « pogrom » du 17 octobre 1961, selon le mot de l’historien Pierre Vidal-Naquet, des gestes et des paroles fortes sont attendus du président de la République. Car l’événement n’est pas seulement la « sanglante répression » que François Hollande a reconnue en 2012. Il s’agit d’un crime d’Etat – rafle au faciès, matraquages meurtriers de manifestants désarmés couverts par le préfet Papon – doublé d’un mensonge d’Etat. Pendant des décennies, les plus hautes autorités de la République ont dissimulé les faits en imputant les violences aux manifestants, en diffusant un faux bilan (trois morts), en menant des enquêtes biaisées, en censurant livres et films, en interdisant l’accès aux archives.

En pleine polarisation politique sur les thèmes identitaires, alors que s’opposent contempteurs de la « repentance » et militants de la mémoire coloniale, Emmanuel Macron n’a pas la tâche facile. Mais les fractures de la société française rendent son discours indispensable. En 1995, Jacques Chirac n’avait eu besoin ni du mot « excuses » ni du mot « repentance » pour reconnaître officiellement le rôle de l’Etat français dans la déportation des juifs. La tragédie de 1961, sans commune mesure par son ampleur et sa portée, suppose une reconnaissance comparable. Paradoxalement, la tension actuelle avec Alger crée un contexte propice à des paroles audacieuses et rend encore plus nécessaire un discours de vérité : reconnaître le crime et les mensonges, désigner les coupables. Soixante ans après le 17 octobre 1961, la France mérite de sortir enfin de son terrible brouillard officiel sur cette nuit de cauchemar.

Le Monde

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Contribuer

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.