Elu président du plus petit pays d’Amérique centrale à seulement 37 ans, Nayib Bukele aime se définir comme antisystème, même s’il est issu d’une riche famille salvadorienne et qu’il est entré en politique il y a déjà huit ans. Son élection, dès le premier tour du scrutin du dimanche 3 février avec 53 % des voix, a en effet mis fin à trente ans de bipartisme, après les treize ans de guerre civile, entre la droite de l’Alliance républicaine nationaliste (Arena, 1989-2009) et les ex-guérilleros d’extrême gauche du Front Farabundo Marti pour la libération nationale (FMLN, au pouvoir depuis 2009).
Véritable caméléon, Nayib Bukele, d’abord entrepreneur à la tête d’une société de publicité, n’a pas hésité à passer d’un parti à l’autre, et de la gauche à la droite, pour parvenir à ses fins électorales. C’est avec le FMLN qu’il se lance en effet en politique, comme candidat à la mairie de Nuevo Cuscatlan, petite ville au sud-ouest de la capitale, qu’il remporte en 2012. Trois ans plus tard, sa popularité le catapulte à la tête de la mairie de San Salvador, toujours sous la bannière du FMLN.
La coqueluche des 18-30 ans
Port altier, fin collier de barbe, cheveux gominés, M. Bukele passe à la casquette de base-ball, au jean et au blouson noir quand il s’agit de s’adresser à la jeunesse, qui lui est reconnaissante d’avoir redonné vie au centre historique de la capitale, où bars et discothèques ont repris leurs droits, dans un des pays les plus violents du monde.
Mais ses critiques constantes du FMLN et du président Salvador Sanchez Cerén (2014-2019) provoquent son expulsion du parti après une altercation avec une conseillère municipale, qui l’accuse de lui avoir lancé une pomme au visage et de l’avoir traitée de « sorcière ». Un prétexte, selon certains observateurs, pour écarter ce trublion qui fait trop d’ombre à la vieille garde.
Commence alors pour Nayib Bukele une pérégrination entre plusieurs formations pour devenir candidat à la présidentielle : il crée son propre parti, qu’il échoue à enregistrer à temps pour le scrutin. Il rejoint alors Cambio Democratico, dont la participation aux élections est invalidée par le Tribunal suprême électoral (TSE) au motif que le parti n’a pas obtenu le nombre suffisant de voix lors des législatives de 2015. Nayib Bukele fustige le TSE, dénonce une manœuvre politique, « une escroquerie au niveau du Venezuela, du Nicaragua ou du Honduras ».
Finalement, deux heures avant le délai imposé pour l’inscription des candidats, M. Bukele parvient à trouver un accord avec un parti de droite, la Grande Alliance pour l’unité nationale (GANA), issu d’une scission de l’Arena, et se lance dans la course à la présidentielle.
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