La rue Al-Wehda est, en temps normal, l’une des artères les plus animées de Gaza. Jalonnée de boutiques, de restaurants, de banques et de bureaux, elle traverse l’agglomération d’est en ouest, depuis Shujaïa, un quartier périphérique, jusqu’à l’hôpital Shifa, le principal centre médical de l’enclave côtière, non loin du front de mer. Mais sur cette rue, il flotte désormais un air de deuil et de désolation. Dans la nuit de samedi 15 à dimanche 16 mai, l’endroit a été soumis à un bombardement de l’armée israélienne d’une extrême violence, qualifié de « tremblement de terre » par les habitants.
Les secouristes se sont aussitôt précipités vers trois immeubles réduits à l’état de gravats. Dimanche, en fin d’après-midi, après une journée de travail, ils avaient extrait des décombres 42 corps de civils sans vie : 16 hommes, 16 femmes et 10 enfants. Cinquante autres personnes ont été blessées, selon le ministère de la santé de Gaza.
Il s’agit du bombardement le plus meurtrier depuis le début, il y a une semaine, de la guerre opposant Israël au Hamas, le mouvement islamiste au pouvoir à Gaza. Les tirs de missiles israéliens sur la bande de sable palestinienne ont causé 192 morts à ce jour, pour moitié des femmes et des enfants. Les roquettes lancées par les islamistes en direction de l’Etat hébreu, qui sont en grande partie détruites en vol, ont tué 10 personnes, dont deux enfants. Les bombardements israéliens ont continué dans la nuit de dimanche à lundi.
Contactée par Le Monde au sujet de l’hécatombe de la rue Al-Wehda, l’armée israélienne évoque « des pertes civiles involontaires ». Elle affirme avoir visé « une infrastructure militaire souterraine » située sous une route, qui se serait effondrée, entraînant dans sa chute des habitations situées au-dessus. Le Hamas parle pour sa part de « meurtre prémédité ».
Un point de vue partagé par Raja Sourani, le directeur du Centre palestinien pour les droits de l’homme – une ONG de Gaza indépendante –, qui s’est rendu sur place. « La manière dont les immeubles se sont écrasés nous renseigne, affirme-t-il. Les étages se sont écroulés les uns sur les autres, comme les tours de bureaux récemment bombardées par Israël. C’est un massacre délibéré. »
« Mes filles se sont mises à hurler »
Il était environ 1 heure du matin. Gaza se reposait d’une journée éprouvante, marquée par des frappes sur un complexe sécuritaire et le ministère de l’intérieur. « C’était déjà l’horreur, mais nous n’avions alors rien vu », raconte Najla Shawa, une travailleuse humanitaire palestinienne de 40 ans, jointe par téléphone, qui réside à quelques minutes en voiture de la rue Al-Wehda.
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