Nostradamus ! Voici un nom intemporel. Tapez-le sur Internet et, passé sa fiche Wikipédia, les résultats de recherches vous promettront à qui mieux mieux de dévoiler ce qui attend l’humanité pour l’année 2021 – moyennant finances, évidemment.
Valeur sûre de l’astrologie, Michel de Notre-Dame, dit Nostradamus (1503-1566), a été convoqué à toutes les époques. Ses Prophéties, aussi obscures qu’inquiétantes, restent un modèle du genre. Dans une biographie sobrement titrée Nostradamus, Mireille Huchon, professeure émérite à la Sorbonne et spécialiste de la littérature du XVIe siècle, dresse un portrait circonstancié de l’oracle, qu’elle resitue dans son contexte eschatologique : une France ravagée par les flambées de peste, hantée par l’imminence des guerres de Religion.
Pourquoi une nouvelle biographie de Nostradamus ?
Mireille Huchon. Des documents d’époque sont devenus accessibles à la fin du XXe siècle. Notamment les Clarorum virorum epistolae, un recueil d’une cinquantaine de lettres de sa correspondance, dont dix de lui. La bibliothèque de Lyon a acquis les « Présages prosaïques », ouvrage de quelque 6 000 présages tirés de ses almanachs et pronostications des années 1550-1566, compilés par Jean de Chevigny (dit aussi Jean de Chavigny), son secrétaire. Ce recueil était demeuré depuis le XVIIe siècle dans une collection privée.
Ces documents éclairent d’un jour nouveau la vie de Nostradamus. J’ai par ailleurs tenté de réintégrer le personnage dans son contexte littéraire, politique et religieux. Je souhaitais dépasser la problématique de la véracité des prédictions, pour mieux comprendre une des figures les plus énigmatiques du XVIe siècle.
Que sait-on de certain sur sa vie, au-delà de ses dates de naissance et de mort ?
C’est déjà bien d’avoir ces dates ! Pour Rabelais, celle de sa naissance est inconnue à vingt ans près. On en a fêté les 500 ans en 1983, on a recommencé en 1994, et on aurait pu remettre ça au début du XXIe siècle ! Nostradamus, lui, est né le 14 décembre 1503 à Saint-Rémy-de-Provence et mort le 2 juillet 1566 à Salon-de-Craux (aujourd’hui Salon-de-Provence).
Certaines archives – testament, bail de location de maison, etc. – sont précieuses. Des proches ont évoqué Nostradamus dans leurs écrits, notamment son fils César, âgé de 13 ans lors du décès de son père, dans son Histoire de Provence (1614), ainsi que Chevigny. De tels témoignages sont évidemment sujets à caution. S’y ajoutent les attaques de ses détracteurs, qui peuvent avoir un fond de réalité, et les confidences qui se trouvent dans ses propres ouvrages, en particulier dans ses Exquises Receptes – où il évoque sa jeunesse, tout en brouillant les pistes.
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