Xavier Niel aime à donner de lui-même une image empreinte de patriotisme fiscal. Le fondateur de Free, actionnaire à titre individuel du Monde, avait fait lever quelques sourcils en assurant, en 2013, que « la France est un paradis fiscal » idéal pour « créer sa boîte ».
Malgré l’acquisition, ces dernières années, d’opérateurs télécoms aux quatre coins du monde, Xavier Niel se fait un point d’honneur à rester résident français et à conserver à Paris le siège de son groupe NJJ (son véhicule d’investissement personnel, distinct d’Iliad, la maison mère de Free). « Cette structuration traduit la volonté d’un ancrage national en France, alors que d’autres font l’inverse avec des activités françaises et des sociétés holdings têtes de groupe dans des pays à fiscalité plus “clémente” », fait-il savoir au Monde.
L’enquête OpenLux permet toutefois de nuancer cet « ancrage national », au travers de l’exemple de Salt Mobile, entré dans la galaxie Niel en 2015. Cet opérateur télécoms suisse est contrôlé par NJJ au travers d’une succession de quatre sociétés luxembourgeoises : OCH Financing, OCH AT Holding, Matterhorn Telecom Holding et Matterhorn Telecom. Un étonnant jeu de poupées russes pour un groupe suisse détenu par un propriétaire français.
Sonnettes et boîtes à lettres
A quoi peuvent donc servir ces « poupées lux » ? Pour tenter de percer le mystère, direction le 4, rue du Fort Wallis, dans la capitale, où elles sont domiciliées dans un immeuble sans âme. Chacune a sa sonnette à l’entrée, mais aucune n’a de bureau : leur présence physique se limite visiblement à une boîte à lettres chez Qualix, un cabinet qui offre des services de domiciliation et de comptabilité pour les sociétés. Ce sont d’ailleurs des avocats et comptables de Qualix qui composent une partie du conseil d’administration de ces quatre sociétés. Croisé sur place, l’un d’eux refuse de nous éclairer sur leur rôle exact.
Les autres administrateurs vivent à l’étranger : Frédéric Viviand, le directeur financier de Salt, en Suisse ; Olivier Rosenfeld, l’ancien directeur financier d’Iliad, au Royaume-Uni ; Murielle Colart, spécialiste de l’ingénierie financière et fiscale, en France (elle a quitté son mandat en janvier). A en croire leurs bilans, l’activité de ces filiales se résume à des opérations financières au sein du groupe, menées avec l’appui de NJJ à Paris, qui leur facture plusieurs millions d’euros de prestations de « stratégie » et de « consulting ».
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