Pascal Saint-Amans est directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l’une des figures, au niveau international, de la lutte contre l’évasion fiscale. C’est lui qui a mené la négociation sur la levée du secret bancaire dans les paradis fiscaux et le déploiement d’un plan d’action contre l’optimisation fiscale agressive des multinationales. Il réagit aux révélations de l’enquête OpenLux, et esquisse des pistes de réformes.
Les révélations de l’enquête OpenLux du Monde et de ses partenaires vous ont-elles surpris ?
L’enquête OpenLux montre qu’au cours des trente dernières années, la financiarisation et la globalisation de l’économie ont abouti à la création de nombreuses sociétés, plus ou moins opaques, interposées entre les détenteurs de capitaux et leurs avoirs. Toutes ces couches de sociétés offrent à la fois des avantages fiscaux et des opportunités de dissimulation, ce qui apporte un certain niveau de toxicité dans le système financier. Un tel constat appelle sans doute davantage de régulation.
Je tiens cependant à souligner qu’une telle enquête n’aurait pas été possible sans la mise en place de registres, librement accessibles, des bénéficiaires effectifs des sociétés. C’est une avancée considérable, que le Luxembourg a été l’un des premiers pays à respecter. Le premier ministre, Xavier Bettel, et le ministre des finances, Pierre Gramegna, ont fait un travail de fond, ces dernières années, pour mettre le pays en conformité avec toutes les règles fiscales de l’OCDE. Il faut admettre qu’ils essuient ici les plâtres de la transparence.
Pourtant le Luxembourg reste un paradis fiscal. Que penser de l’ampleur de cette économie « hors sol » révélée par OpenLux : 55 000 sociétés offshore totalisant 6 500 milliards d’euros d’actifs ?
Ces données interpellent, car ce sont là des structures de portage d’actifs financiers, dans lesquelles il ne semble pas y avoir d’activité réelle. Il faut toutefois y regarder de plus près, car il peut y avoir de bonnes raisons pour créer de telles sociétés, par exemple pour garantir la sécurité de ses avoirs, les protéger de son propre pays lorsque l’Etat de droit n’est pas respecté. Là où cela pose problème, c’est quand il y a, derrière ces entités, un objectif de dissimulation et qu’il s’agit de sociétés de pure interposition créées dans le but d’éluder l’impôt.
Justement, n’y a-t-il pas un problème lié à la nature même de ces sociétés, trusts et fonds, qui ne sont rien d’autre que des outils d’opacification, des écrans ?
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