Depuis un an et le début de la pandémie de Covid-19, la géopolitique mondiale compte un nouvel objet d’influence et de négociation : le vaccin, devenu aujourd’hui l’arme géopolitique la plus disputée. La course au vaccin a démarré dès l’été 2020 dans certains pays, la Russie en tête avec Spoutnik V autorisé dans le pays en août (même si Moscou a peiné à en produire en masse depuis) et n’a pas cessé depuis ; jeudi 11 mars, l’agence européenne des médicaments a autorisé l’utilisation d’un quatrième vaccin au sein de l’Union européenne, celui de l’américain Johnson & Johnson.
Entre temps, avaient émergé les vaccins occidentaux Pfizer-BioNTech (Etats-Unis et Allemagne) et Moderna (Etats-Unis), autorisés dans certains pays dès décembre. Puis celui du britannico-suédois AstraZeneca, approuvé le 30 décembre au Royaume-Uni et le 29 janvier dans l’Union européenne (UE). Deux des trois vaccins chinois sont également aujourd’hui autorisés sur le territoire de la République populaire de Chine et distribués sur tous les continents : ceux de Sinovac et de Sinopharm sont à destination du grand public tandis que celui de CanSino Biologics reste, pour le moment, restreint à un usage militaire.
Après les autorisations, l’enjeu s’est, désormais, déplacé sur la production en masse et les livraisons. Les tensions, particulièrement fortes concernant l’approvisionnement du vaccin AstraZeneca, entre le Royaume-Uni et l’Union européenne illustrent les crispations qui existent autour des vaccins en général et de l’approvisionnement en particulier. Et les nouveaux retards annoncés par le laboratoire ne vont pas arranger la situation.
Un arrière-goût de « guerre froide »
Si les cartes des commandes et précommandes de vaccin par groupe de pays ne permettent pas de représenter la quantité des livraisons, elles suggèrent toutefois une ambiance de « guerre froide » exacerbée par la pandémie. A un détail près, cependant : les Etats-Unis ont une stratégie légèrement différente de la Chine ou de la Russie, en faisant le choix de réserver leurs vaccins à leur population, avant d’en faire une arme d’influence extérieure, tandis que Moscou et Pékin cherchent déjà à exporter massivement.
Dans ce registre, les deux pays se concurrencent et le duel semble s’équilibrer entre les deux, selon les données de l’université Duke à Durham (Caroline du Nord), qui a recensé, semaine après semaine, commandes et précommandes des différents vaccins sur le marché. Plus de 720 millions de doses de vaccin chinois ont déjà été commandées ou précommandées – contre environ 815 millions pour le russe –, particulièrement par des pays stratégiques tels que le Brésil, la Turquie, l’Indonésie, l’Ukraine ou même la Hongrie, pourtant membre de l’UE.
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