Les masques privent-ils les enfants d’un apport suffisant en oxygène ? Des parents, qui déplorent l’obligation de port du masque à l’école, ont acquis des oxymètres pour « prouver » leur effet supposé néfaste pour la santé de leurs enfants.
Certains d’entre eux ont partagé sur les réseaux sociaux des photos de l’appareil mesurant des taux de saturation en oxygène particulièrement bas, qu’ils interprètent comme une conséquence grave du port du masque.
Pourquoi c’est trompeur
Depuis que l’usage des masques de protection, chirurgicaux ou en tissu, est devenu obligatoire dans les établissements scolaires pour les enfants de plus de 6 ans, de nombreux détracteurs se sont inquiétés des « effets dévastateurs » sur la santé, qu’aucun élément scientifique ne corrobore.
Si le port du masque génère de l’inconfort, voire de l’acné, des maux de têtes ou une sécheresse oculaire, plusieurs spécialistes ont déjà expliqué qu’il ne provoque pas d’hypoxie (c’est-à-dire de baisse de la quantité d’oxygène dans le sang) ni d’intoxication au C02, dans la mesure où les masques sont conçus pour permettre une « respirabilité » correcte.
Début mars, dans une vidéo, le médecin Louis Fouché – l’un des visages de la fronde antimasque – vantait l’intérêt des oxymètres pour vérifier une éventuelle variation de l’oxygénation des enfants avant et après avoir porté un masque pendant plusieurs heures.
Qu’est-ce que la saturation en oxygène ?
Dans notre système sanguin, l’hémoglobine fixe et transporte l’essentiel de l’oxygène dans le sang. Pour mesurer le degré d’oxygénation, on peut vérifier la saturation qui correspond au taux d’oxygène contenu dans les globules rouges à l’aide d’un oxymètre, également appelé saturomètre.
Cet appareil se clippe au doigt, et détermine grâce à une technique optique transcutanée si l’hémoglobine circulant dans le sang est chargée ou déchargée en oxygène. « Normalement, en plaine et chez des sujets jeunes et en bonne santé, on est autour de 97-98 % de l’hémoglobine saturée en oxygène », explique Samuel Vergès, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), et physiologiste à l’université Grenoble-Alpes, avant de préciser :
« Lorsque la mesure est faite correctement, on commence à se poser des questions sur l’état de santé d’une personne en dessous de 95 %. Mais ce chiffre dépend des individus. Au fur et à mesure qu’on monte en altitude, la valeur diminue. Par exemple, dans la ville la plus haute du monde située au Pérou, les personnes peuvent avoir un taux de 75 %, sans être malades. »
La valeur de la saturation en oxygène dans le sang affichée par les oxymètres utilisés par le grand public dépend à la fois de la qualité de l’appareil acheté et de la façon dont on se sert de l’instrument : un mauvais usage ou des conditions de mesure qui ne sont pas optimales peuvent faire sensiblement varier ce chiffre, sans que cela ne traduise un réel manque en oxygène.
Pourquoi les valeurs d’un oxymètre grand public peuvent être faussées
Pensant illustrer le danger du port du masque, Philippe Murer, ex-conseiller économique de Marine Le Pen qui se présente désormais comme un économiste « souverainiste », a ainsi partagé sur Twitter les relevés de l’oxymètre qu’il a utilisé sur sa fille, faisant état d’une saturation en oxygène de 75 %, après une journée de cours. Quelques jours plus tard, il a réitéré l’expérience puis fait part de résultats quasi similaires.
« Un tel résultat [75 % d’oxygénation] paraît impossible si la mesure a lieu en plaine, sauf si la personne en question a une grave maladie respiratoire. Dans le cas contraire, un tel niveau ne serait atteint que si on avait un sac plastique sur la tête, ou si on se trouvait à 6 000 mètres d’altitude. Mais on serait alors au minimum très essoufflé, rien qu’en marchant quelques pas », analyse Samuel Vergès.
Des erreurs d’usage peuvent aussi fausser les résultats. Par exemple, selon qu’on soit plus ou moins agité au moment de la mesure, ou qu’on ait correctement inséré son doigt dans l’appareil ou non, les valeurs affichées varient. « Il est important que le doigt soit bien irrigué en sang, donc qu’il ne soit pas froid lors de la mesure », ajoute Samuel Vergès.
Les oxymètres sont vendus à partir d’une vingtaine d’euros en pharmacie pour les modèles d’entrée de gamme, mais certains sont disponibles sur Internet à des prix inférieurs à 10 euros. Or, selon le directeur de recherche, un appareil de mauvaise qualité affecte également la fiabilité des résultats :
« Pour les meilleurs modèles, il existe déjà une précision de plus ou moins 2 % qui peut provoquer une zone grise. Les appareils les moins précis peuvent atteindre 3 ou 4 % de différence avec la réalité. C’est pourquoi ces mesures, qui sont avant tout médicales, doivent être confirmées lorsqu’elles sont réalisées par des particuliers. »
Mieux vaut donc être prudent avec ce type de manipulation. Lorsqu’il n’y a pas d’urgence ni de symptômes particuliers d’un manque d’oxygénation (comme des nausées, des céphalées ou de la tachycardie), il vaut mieux se fier à l’avis d’un professionnel de santé. « Il y a toute une démarche technique autour de la saturation en oxygène, donc c’est plus compliqué qu’un simple chiffre », résume Samuel Vergès.
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