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Que valent les justifications d’Emmanuel Macron sur le choix de ne pas reconfiner la France dès janvier ?

Le chef de l’Etat a défendu sa décision au cours de son allocution de mercredi. Mais certains de ses arguments sur les comparatifs européens et les variants du virus sont critiquables.

Par  et

Publié le 01 avril 2021 à 20h26, modifié le 01 avril 2021 à 23h45

Temps de Lecture 4 min.

Après avoir tenté de trouver une « troisième voie » pour lutter contre le Covid-19, Emmanuel Macron s’est résolu, mercredi 31 mars, à reconfiner l’ensemble des territoires et à fermer les établissements scolaires pour trois semaines. La France a-t-elle perdu deux mois dans la lutte contre l’épidémie, alors qu’une grande partie des spécialistes réclamaient des mesures fortes dès la fin janvier ? Sûrement pas, a défendu le chef de l’Etat, pour qui ce délai a représenté des « jours précieux de liberté ».

Une présentation tronquée des restrictions en Italie et en Allemagne

Ce qu’il a dit

Pour défendre la stratégie sanitaire adoptée en janvier, le chef de l’Etat a affirmé que les restrictions avaient été moins fortes en France qu’ailleurs. « Beaucoup de nos voisins ont décidé de confiner il y a maintenant quatre mois, nos voisins allemands, par exemple », a-t-il plaidé, ajoutant que « nos amis italiens en sont à leur quatrième confinement ». Selon lui, la France a « gagné des jours précieux de liberté » durant cette période « sans jamais perdre le contrôle de l’épidémie ».

POURQUOI C’EST EXAGÉRÉ

Il n’y a pas eu de reconfinement généralisé, ni en Allemagne ni en Italie, mais des mesures plus ou moins sévères adaptées à la situation dans les différents Länder allemands et régions italiennes.

En Allemagne, outre les bars, restaurants et lieux de sport, les crèches, écoles et commerces « non essentiels » sont effectivement fermés depuis la mi-décembre. Les déplacements sont également limités à un rayon de quinze kilomètres dans les « arrondissements » (Landkreise) où le taux d’incidence est supérieur à deux cents cas pour 100 000 habitants depuis janvier. On ne peut pas parler de confinement strict pour autant : les résidents allemands peuvent dans une certaine mesure continuer à recevoir des invités ; et sortir de chez eux sans attestation ni restriction de temps ou contrainte horaire.

En Italie, une grande partie du pays est entrée en reconfinement depuis le 15 mars – le quatrième, pour certaines régions comme la Lombardie. Mais ce n’est pas le cas pour d’autres provinces. Le Latium, la région de Rome, n’observe « que » son troisième confinement, tandis que la Sardaigne n’est actuellement concernée par aucune mesure de restriction, hors couvre-feu national à 22 heures.

En résumé, il est indéniable que l’Allemagne et l’Italie continuent de connaître de fortes restrictions, pour partie plus sévères que celles appliquées en France, depuis le début de l’année. Mais la comparaison entre les situations est à nuancer davantage. Jean Castex avait fait usage de la même rhétorique trompeuse avant le président.

Une « nouvelle donne »… pas si nouvelle

Ce qu’il a dit

Emmanuel Macron justifie son changement de stratégie en évoquant l’évolution récente de la situation.

« Ces dernières semaines, nous faisons face à une nouvelle donne. Depuis, au fond, les premiers jours du mois, nous sommes entrés dans une course de vitesse. »

Selon lui, il y a, « d’un côté, le déploiement de la vaccination qui permet d’espérer raisonnablement une sortie de crise, […] et de l’autre, la propagation dans toute l’Europe d’une nouvelle forme de virus, ce variant qui a été identifié pour la première fois chez nos voisins britanniques à la fin de l’année dernière, et qui en quelque sorte a fait apparaître une épidémie dans l’épidémie ».

POURQUOI C’EST DISCUTABLE

L’alerte sur l’existence d’un variant du SARS-CoV-2 identifié au Royaume-Uni est venue dès la mi-décembre. A l’époque, la hausse brutale des cas de Covid-19, notamment à Londres, a contraint le gouvernement britannique à reconfiner une partie du pays.

Ce mutant est très vite apparu comme susceptible d’aggraver sensiblement l’épidémie parce qu’il est plus contagieux que ne l’était jusqu’alors le SARS-CoV-2. Il augmenterait les contaminations de l’ordre de 50 à 70 %, selon de récentes estimations qui corroborent les premières données parues dès la fin 2020. Cette mauvaise surprise est intervenue alors qu’une sortie de crise commençait à s’esquisser, avec l’arrivée des vaccins.

Contrairement à ce qu’insinue Emmanuel Macron, les spécialistes ont très rapidement mis en perspective ces deux tendances contradictoires. Dès le 12 janvier, le conseil scientifique Covid-19 mis en place par le président en personne lui remettait un avis intitulé « Entre vaccins et variants, une course contre la montre ». « Une course contre la montre s’engage (…) entre, d’une part, l’effort de vaccination, et d’autre part, la pénétration du variant britannique dans la population française », y lit-on. Un discours qui rappelle celui du chef de l’Etat jeudi 31 mars.

Ce variant circulait déjà en France à bas bruit début janvier, et sa part dans la dynamique de l’épidémie n’a fait qu’augmenter depuis. Dès la fin du mois de janvier, les chiffres montraient qu’il était en bonne voie pour devenir dominant sur le territoire. Si l’on estime qu’il représentait que 1 à 2 % des cas français au 8 janvier, cette proportion est montée à 13,2 % dès le 27 janvier, puis n’a cessé de croître pour atteindre 76,3 % fin mars, selon les données recueillies par Santé publique France.

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Tout l’argumentaire des spécialistes favorables à une intervention forte dès le mois de janvier était justement de freiner cette progression du variant anglais, susceptible de rendre l’épidémie hors de contrôle. Quoi qu’en dise Emmanuel Macron aujourd’hui, on ne peut pas affirmer que cette nouvelle donne soit apparue au début du mois de mars.

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