« Les Guerres napoléoniennes. Une histoire globale » (The Napoleonic Wars. A Global History), d’Alexander Mikaberidze, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Thierry Piélat, Flammarion, 1 190 p., 39 €, numérique 27 €.
Jean Tulard, notre spécialiste national du Premier Empire, répète volontiers qu’il y a eu autant de livres parus sur Napoléon que de jours écoulés depuis son décès, le 5 mai 1821. Comment renouveler un catalogue aussi encombré ? Au fil des deux siècles écoulés, on a vu successivement fleurir les Mémoires justificatifs (au premier chef, le Mémorial de Sainte-Hélène, d’Emmanuel de Las Cases), les pamphlets, les journaux intimes, puis le travail sérieux des historiens attachés à retracer les faits, en faisant la part belle à l’« histoire bataille » et à la diplomatie. La première moitié du XXe siècle y a ajouté les analyses sociopolitiques des bouleversements à l’œuvre, la seconde moitié celles des mutations culturelles, voire psychologiques – jusqu’à la microhistoire individuelle.
Des « causes » et des « conséquences »
Les Guerres napoléoniennes, le pavé de l’historien américain d’origine géorgienne Alexander Mikaberidze, professeur à l’université de Louisiane, réussit le pari du renouvellement en adoptant la tendance historiographique aujourd’hui la plus en vogue à l’heure du « décentrement » postoccidental des sciences humaines : celle de l’histoire globale. Que se passait-il en Chine, en Inde, au Sénégal, au Mexique, à la Martinique, en Perse, pendant que résonnaient dans toute l’Europe les noms d’Austerlitz, Wagram et Waterloo ? Nous n’avions sur la plupart de ces questions que des monographies éparses. Les voici rassemblées, complétées, et surtout articulées entre ce que nous connaissons bien – en principe – de l’histoire de la Révolution et de l’Empire, et ce que nous ne connaissons pas du tout de l’histoire du reste du monde.
Que se passait-il en Chine, en Inde, au Sénégal, au Mexique, pendant que résonnaient dans toute l’Europe les noms d’Austerlitz, Wagram et Waterloo ?
Certes, l’historien américain, s’adressant à ses compatriotes et à ses étudiants, ne peut pas nous épargner le récit – parfois un peu fastidieux – des péripéties politiques et militaires de l’histoire européenne de 1789 à 1815. Mais il réussit la prouesse de les tisser de façon étroite avec ce qui se passe ailleurs, renouvelant de fait ce que l’on peut dire des « causes » et des « conséquences » d’événements que l’on croyait bien connus. Par exemple, l’importance du commerce colonial et de la traite des esclaves dans les revenus des Etats européens – dont les variations expliquent tout autant la crise financière de la monarchie française que l’acharnement de la lutte entre la Grande-Bretagne et la France.
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