« Lettres non-écrites », de David Geselson, Le Tripode, 200 p., 17 €.
Comme Cyrano pour Christian chez Edmond Rostand, David Geselson écrit des lettres à la place des autres. Son postulat est simple : nous avons tous, un jour, voulu rédiger un message que nous n’avons pas eu le courage de commencer, pas réussi à terminer, ou pas envoyé. Vous pouvez le lui raconter au cours d’un bref entretien, et il l’écrira pour vous, dans un temps imparti de 45 minutes, lors de créneaux qu’il propose pendant des tournées en France et à l’étranger.
Sept ans après avoir fondé sa propre compagnie, Lieux dits, l’acteur et metteur en scène participe en 2016 au spectacle Bovary, au Théâtre de la Bastille, dans le 11e arrondissement de Paris, dans le cadre d’« Occupation Bastille », avec sept autres artistes. C’est à ce moment-là qu’il présente son projet de « lettres non-écrites » pour la première fois, avec l’objectif de créer un objet transversal, issu d’un dialogue avec le public. Quelque 70 spectateurs acceptent de jouer le jeu.
Parfaire la méthode
« C’était plutôt chouette, raconte David Geselson au “Monde des livres”. J’ai été surpris du nombre de gens qui voulaient se faire écrire une lettre. Au début, je n’arrivais pas à faire des entretiens courts et à écrire en si peu de temps. C’était vraiment une expérience d’écriture. » Comme un chercheur qui tâtonne avant d’obtenir le bon résultat, le dramaturge profite de ce moment de création pour parfaire sa méthode. « Au début, j’écrivais toujours pareil, c’était moi et c’était chiant parce qu’on ne voyait pas les gens, explique-t-il. Il fallait que j’arrive à coller plus à eux. Je ne suis d’ailleurs toujours pas tout à fait satisfait, je pense qu’il faudrait pouvoir aller encore plus loin, stylistiquement parlant. Mais si j’essaie des choses plus radicales, les gens vont avoir l’impression que je me sers d’eux pour faire ma sauce de “littérateur” qui se fait plaisir. » Le dispositif, en apparence assez libre, contraint en effet le propos. « Globalement, quand on aime quelqu’un, on le lui dit, sourit David Geselson. Ici, le projet fait que ce que l’on vient me raconter est forcément de l’ordre de la souffrance, du regret, de la douleur… »
Fort de son succès au Théâtre de la Bastille, l’auteur propose son idée dans d’autres théâtres parisiens, à Orléans, Toulouse, Lorient, Duclair, Saintes, Arles, New York, Brives, Pau et Bruxelles, jusqu’à rédiger près de 170 missives. « Assez vite, j’avais trop de lettres pour que ça reste seulement un spectacle. Je me suis dit qu’il fallait que ce soit partagé avec plus de gens, et je rêvais d’en faire un livre, mais je ne savais pas du tout comment le construire. »
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