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« Révolution pour la vie », d’Eva von Redecker : la chronique « philosophie » de Roger-Pol Droit

Un essai généreux, mais accablant de simplisme, désarmant de manichéisme, qui a bien peu à voir avec la philosophie.

Publié le 17 septembre 2021 à 08h00 Temps de Lecture 2 min.

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Des militants d’Extinction Rebellion, à Londres, le 2 septembre.

« Révolution pour la vie. Philosophie des nouvelles formes de contestation » (Revolution für das Leben), d’Eva von Redecker, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, Payot, 316 p., 22 €, numérique 17 €.

LA RADICALITÉ REND AVEUGLE ET SOURD

Un rêve de révolution totale traverse les siècles. Jadis, on brûlait de tout renverser pour instaurer liberté, égalité, fraternité, pour débarrasser l’humanité de ses chaînes, mettre fin à la domination, la servitude et la misère. Ces horizons existent encore, mais une prétention nouvelle ­s’affirme, qui entend rassembler et dépasser ces buts anciens et donner à la révolution un objectif différent : défendre la vie, empêcher qu’elle ne s’éteigne, arrêter le meurtre multiforme des vivants – humains, animaux, plantes, Gaïa… – et les faire tous triompher, dans la solidarité et le respect.

C’est ce qu’explique, en long et en large, la militante allemande Eva von Redecker dans son essai Révolution pour la vie. Le profil de cette jeune autrice, proche de Judith Butler, coche toutes les cases des « nouvelles formes de contestation », dont elle affirme élaborer « la philosophie » : féministe, LGBT, antiraciste, animaliste, écologiste – chaque fois dans la version la plus radicale qui soit. Elle entend discerner, dans une série de mouvements actuels en apparence disparates – tels Black Lives Matter, Extinction Rebellion et divers groupes d’intervention contre les féminicides, le réchauffement climatique ou l’élevage intensif –, une seule et même lutte pour la vie.

Au premier regard, voilà qui sonne généreux, bien intentionné, si évident qu’il faudrait être démoniaque pour chercher noise à tant de vertu. La vie, qui serait contre ? Pourtant, un deuxième regard révèle un paysage accablant de simplisme, désarmant de manichéisme, qui a bien peu à voir avec la philosophie, et beaucoup avec l’idéologie.

Car tout repose, dans cet essai radical, sur la croyance en un axiome unique, ainsi formulé : « Le capitalisme détruit la vie. » Il s’ensuit que défendre la vie implique forcément d’en finir avec le capitalisme, supposé responsable, directement ou non, de tous les saccages mortifères en cours, depuis les menaces sur la biodiversité jusqu’au dérèglement climatique, en passant par les ségrégations raciales et les violences faites aux femmes.

L’ennui, c’est que pareil axiome demeure fort discutable. En regard de ses méfaits réels, quantité d’arguments bien connus, que le livre ne mentionne même pas, pourraient faire du capitalisme un allié de la vie. Les temps modernes ont vu s’envoler la démographie, s’allonger considérablement la durée de l’existence humaine, se transformer la sécurité, la santé, les transports, les communications… sous les effets du marché, de la concurrence et de l’industrie. Inversement, les grandes pages anticapitalistes de l’histoire contemporaine, sous Staline ou sous Mao, n’ont pas brillé par leur bienveillance envers les vies humaines ni envers la nature.

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